Un excès d'anticorps possible avec la 3e dose de vaccin ?

De plus en plus de Français vont faire leur dose de rappel pour garder leur pass sanitaire. Cette 3e dose peut-elle être risquée pour l'organisme à cause d'un trop plein d'anticorps ? Y-a-t-il plus d'effets secondaires ? Un test sérologique est-il pertinent ? Réponses avec le Pr Elisabeth Botelho-Nevers, Chef de service Infectiologie au CHU de Saint-Etienne.

Un excès d'anticorps possible avec la 3e dose de vaccin ?
© FRED SCHEIBER/SIPA

Le but d'une troisième dose de vaccin est d'éviter d'être infectés et hospitalisés, parfois une nouvelle fois. Cette dose supplémentaire peut-elle entraîner un excès d'anticorps, dangereux pour l'organisme ? Davantage d'effets secondaires ? Une surcharge du système immunitaire ? Eclairage avec le Pr Elisabeth Botelho-Nevers, Chef de service Infectiologie au CHU de Saint-Etienne.

Les anticorps produits après la vaccination contre le Covid sont-ils les mêmes qu'après l'infection ?

Pr Elisabeth Botelho-Nevers : Quand on fait le Covid ou n'importe quelle maladie infectieuse, on va s'immuniser contre le microbe responsable, c'est-à-dire que le système immunitaire va fabriquer des anticorps contre ce microbe qui entre dans le corps. Ce microbe ou "virus" pour ce qui est du coronavirus, est composé de plein d'antigènes (parties du microbe contre lesquelles on fabrique des anticorps). Face au Covid, le corps fait des anticorps contre la protéine S (Spike) qui est la clé d'entrée du virus dans les cellules mais le virus est aussi composé d'autre protéines présentes à l'intérieur. On va aussi fabriquer des anticorps dirigés contre une partie de l'intérieur du virus que l'on appelle les "anticorps anti-N". Avec certaines sérologies de routine, on cherche les anticorps anti-S et anti-N. S'il n'y a que des anticorps anti-S on peut dire que c'est suite à la vaccination, s'il y a les deux, c'est une immunité post-maladie. Ce sont les anti-S qui, s'ils sont neutralisants, protègent. Tous les vaccins contre le Covid présents sur le marché en France sont des vaccins qui vont uniquement induire comme antigène la protéine S et donc on ne fait que des anticorps contre cette protéine.

Si on a déjà eu le Covid, on a des anticorps. Quel est l'intérêt du rappel ?

Pr Elisabeth Botelho-Nevers : Tout le monde ne s'immunise pas de la même façon après une maladie. Entre les gens qui ont fait un Covid très léger voire sans symptômes et ceux qui ont fait des formes graves, la qualité de l'immunité n'est pas la même. De plus, si on a fait le covid il y a longtemps, notre immunité naturelle a pu diminuer ou, si on s'est infecté avec le virus initial, on peut avoir une réponse face au variant delta moins efficace. La vaccination va stimuler différemment le système immunitaire et élargir la palette de la réponse immunitaire. La meilleure réponse, sur le plan immunitaire, est d'avoir fait la maladie puis d'avoir été vacciné. Par contre en ayant fait la maladie on a pu faire une forme grave, un covid long etc… donc il ne faut pas chercher à s'immuniser naturellement !

Est-ce qu'on peut avoir trop d'anticorps après la 3e dose ?

Pr Elisabeth Botelho-Nevers : Non. Le rappel de vaccin est un boost. Si vous avez des anticorps, c'est très bien, ça va les conforter et les faire monter ce qui n'est pas gênant en soi. Il n'y aura pas "d'explosion" d'anticorps.

"Il n'y a pas de danger à faire une dose de rappel. Rebooster son immunité n'est pas gênant."

N'y-a-t-il pas de risque de surcharge immunitaire avec une 3e dose ?

Pr Elisabeth Botelho-Nevers : Non, il n'y a pas de danger à faire une dose de rappel. Rebooster son immunité n'est pas gênant. Soit vous avez encore des anticorps et vous serez d'autant mieux protégé contre une réinfection. Soit votre taux est un peu bas ou vos anticorps ne sont pas efficaces et ce boost va vous protéger. Il s'adresse à des gens qui ont des facteurs de risque de formes graves de Covid, ce sont des populations particulièrement vulnérables. Il ne faut pas oublier que quand on se vaccine, on rencontre beaucoup moins d'antigènes que quand on rencontre l'agent infectieux et qu'on a la maladie. Le corps humain est en permanence stimulé car on rencontre au quotidien des antigènes, notre système immunitaire y fait face. Quand on vient vacciner quelqu'un, contre le Covid ou autre, la quantité d'antigènes est minime par rapport à celle à laquelle on est exposé tous les jours.

"C'est un peu illusoire de regarder sa sérologie pour se dire "Je fais ou je ne fais pas ma dose".

Est-ce pertinent de faire un test sérologique avant sa 3e dose pour connaître son taux d'anticorps ?

Pr Elisabeth Botelho-Nevers : Des analyses sont en cours pour trouver des corrélats de protection. Il n'y a pas de seuil clair et certain pour être sûr d'être bien protégé. Pour l'instant c'est donc un peu illusoire de regarder sa sérologie pour se dire "Je fais ou je ne fais pas ma dose" d'autant que le virus circule à nouveau et que les gens concernés par le boost ont des facteurs de risque graves. L'idée est d'éviter que ces personnes soient hospitalisés à cause d'un covid. Si la sérologie peut se faire facilement, toutes n'utilisent pas les mêmes techniques et la valeur peut varier d'un laboratoire à l'autre. L'analyse va regarder les anticorps mais pas forcément être corrélée aux anticorps neutralisants qui protègent de la maladie. Ceux-là ne sont pas recherchés en routine. On peut donc avoir un taux d'anticorps X sans être protégé.

A-t-on connaissance du taux d'anticorps à partir duquel on est protégé contre le virus ?

Pr Elisabeth Botelho-Nevers : Non mais des travaux sont en cours. En tous cas, un taux d'anticorps élevé ne veut pas forcément dire que l'on est complètement protégé. Il y a des gens qui ont des taux moins élevés mais qui auront une immunité cellulaire qui va davantage les protéger contre la maladie.

Les effets secondaires après la 3e dose peuvent-ils être plus forts parce que le système immunitaire est à nouveau sollicité ? 

Pr Elisabeth Botelho-Nevers : En pratique, il peut y avoir un petit peu plus de réactions mais ce n'est pas en lien avec l'existence préalable d'anticorps. On ne réagit pas tous pareil au vaccin. Cela est en fonction de l'âge. Sur la 2e dose, les sujets de plus de 50 ans avaient moins de réactogénicité que les sujets jeunes avec les vaccins à ARN. Comme le boost concerne surtout des personnes plus âgées, il n'y aura pas forcément beaucoup plus d'effets secondaires. Et on reste sur des réactions pour la plupart bénignes comme une douleur au point d'injection ou un léger syndrome grippal régulé avec un peu de paracétamol. Le bénéfice de la vaccination par rapport au risque d'effets secondaires est toujours présent. La notion de boost est concomitante à une diminution de l'immunité et à une ré-augmentation du nombre de cas de Covid donc cette dose est importante. Mais il ne faut pas oublier qu'être vacciné est déjà très important. On a encore actuellement des patients Covid hospitalisés qui ne sont pas vaccinés du tout, y compris des plus de 80 ans. La vaccination si elle ne protège pas complétement des infections protège de formes graves nécessitants des hospitalisations. Les vaccins contre le Covid dont on dispose sont des médicaments qui ont été administrés à des millions, même milliards de personnes, pour lesquels il y a énormément de données extrêmement rassurantes en terme de sécurité et d'efficacité.

Merci au Pr Elisabeth Botelho-Nevers, Chef de service Infectiologie au CHU de Saint-Etienne. Propos recueillis le 15 novembre 2021.