"Une claque, une caresse", la méthode du gouvernement pour nous faire tenir ?
Depuis plus d'un an se succèdent des phases de restrictions anti-Covid et des périodes d'allègement des mesures sanitaires. Un ascenseur émotionnel surnommé "la méthode une claque, une caresse" par le Dr Fanny Jacq, médecin psychiatre, qui n'est pas sans conséquences pour la santé mentale des Français. Décryptage.
"Stop and go", "zéro Covid", "contact tracing"... Cela fait plus d'un an que le gouvernement met en place plusieurs pistes pour tenter d'enrayer l'épidémie de Covid-19 en France. Des stratégies régulièrement critiquées et remises en cause par plusieurs médecins, économistes ou membres de l'opposition politique. Si ces méthodes ont pu avoir une efficacité sur les plans sanitaires et/ou économiques, elles n'ont pas été sans conséquences sur la santé mentale des Français, de plus en plus nombreux à souffrir d'anxiété, de déprime et de "fatigue pandémique", un terme mis en lumière par l'Organisation mondiale de la Santé en novembre 2020 pour décrire le désespoir et la démotivation de beaucoup face à une crise d'ampleur mondiale. Depuis un an "la lassitude et la fatigue ont eu le temps de s'installer insidieusement. En plus de la privation de liberté et de cette espèce de jeûne social, il y a eu un effet très pervers de la méthode du gouvernement que j'appelle "une claque, une caresse" : un ascenseur émotionnel caractérisé par la succession d'une période de restrictions et d'une période d'allègement des mesures sanitaires. En effet, les mesures gouvernementales ne sont pas linéaires : cela fait plus d'un an qu'on nous enlève nos libertés, qu'on nous les rend partiellement pour nous les reprendre quelques semaines après. On nous confine, nous déconfine, nous reconfine. On nous parle de vaccins, mais tous ne sont pas efficaces contre les variants. Ce schéma qui se répète est moralement fatigant" nous a expliqué le Dr Fanny Jacq, médecin psychiatre, lors d'un précédent article sur les conséquences de la fatigue pandémique.
Cette soupape éphémère qui précède une phase de restriction ne peut conduire qu'à de la frustration et à un mal-être permanent.
Ce mécanisme est comparable "au principe des régimes trop restrictifs qui autorisent de temps en temps une part de gâteau" pour nous récompenser, combler notre frustration et nous faire tenir plus longtemps, jusqu'au prochain "cheat meal", illustrait notre interlocutrice. Mais la privation ne peut durer qu'un temps. "Les interdits et la privation de liberté nous confrontent directement à nos sentiments d'impuissance, à nos peurs et à nos besoins. Par exemple, être obligé de rester à domicile n'est naturel pour personne. Chaque individu a un besoin fondamental de se sentir libre de faire ce qu'il veut et de maintenir des liens sociaux pour conserver un équilibre de bien-être et respecter une homéostasie, phénomène qui correspond à la capacité d'un système à maintenir l'équilibre de son milieu intérieur, quelles que soient les contraintes externes", nous rappelait Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris lors d'une précédente interview sur les conséquences psychologiques du confinement. Ainsi, à terme, cette soupape éphémère qui précède une phase de restrictions ne peut conduire qu'à de la frustration et à un mal-être permanent (absence de perspective, ennui, isolement...). D'autant plus que l'homme est un animal social pour qui il est très difficile de lutter contre les tentations. Des luttes quotidiennes qui, à la longue, sapent la motivation et altèrent l'obéissance civile.
Seuls 25% des Français font confiance au gouvernement
Avec une telle méthode, le gouvernement ne risque-t-il pas de perdre la confiance de la Nation, épuisée par ce tunnel restrictif et dépossédée de ses libertés ? C'est en tout cas ce que révèle une enquête menée par l'Ifop. Selon les résultats rendus publics le 3 avril 2021 dans le Journal du Dimanche, la méfiance des Français quant à la capacité du gouvernement à résoudre la crise sanitaire semble de plus en plus élevée. Seuls 25% des Français estiment lui faire confiance pour "faire face efficacement au coronavirus". Un chiffre qui n'a jamais été aussi bas depuis le début de la crise sanitaire. Dans un deuxième sondage, Elabe réalisé pour BFMTV et publié le 24 mars 2021, 70% des sondés estiment que l'exécutif ne tiendra pas son engagement de vacciner tous les Français qui le souhaitent d'ici la fin de l'été. Encore plus pessimistes, un quart d'entre eux pensent qu'ils ne retrouveront jamais une vie normale. Ils sont 33% à penser que ce sera le cas en 2022 et 19% après 2022.
Se fixer des objectifs à court terme et ne pas se projeter trop loin.
Alors, est-ce une conséquence de la stratégie "restrictions/assouplissements" mise en place par le gouvernement ? "Les Français voient l'aggravation de l'épidémie et il y a le sentiment qu'on n'y arrive pas. C'est un signal d'alerte pour l'exécutif ", commente Bernard Sananès, Président d'Elabe. En attendant une sortie de crise et pour mieux appréhender cette période incertaine, le Dr Fanny Jacq recommande de se fixer des objectifs à court terme et ne pas se projeter trop loin (un ou deux mois maximum) afin de ne pas être déçu si nos plans viennent à changer. "L'idée est de se concentrer sur ce qu'on peut maîtriser, c'est-à-dire l'avenir très proche. L'avenir à moyen et long terme est incertain et donc pas maîtrisable", conclut-elle.