Témoignage sur la maladie de Charcot (SLA) : "C'est dur d'avoir tout le temps besoin des autres"

Depuis 2016, Nadine est atteinte d'une Sclérose Latérale Amyotrophique, SLA ou "maladie de Charcot", une maladie neurodégénérative dont on connait le nom mais pas toujours les conséquences au quotidien. Diagnostic, premiers symptômes, difficultés... La septuagénaire nous livre son quotidien éprouvant, avec espoir et optimisme.

Témoignage sur la maladie de Charcot (SLA) : "C'est dur d'avoir tout le temps besoin des autres"
© Nadine Daudet - DR

En février 2016, Nadine découvre qu'elle est atteinte d'une Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA), une pathologie neurodégénérative plus connue sous le nom de "maladie de Charcot" qui atteint progressivement les neurones moteurs et entraîne une faiblesse musculaire voire une paralysie des bras et des jambes. Depuis l'annonce du diagnostic, son quotidien est chamboulé : la marche, les gestes, les activités, la parole... Tout est devenu compliqué pour la septuagénaire. Malgré la maladie et les difficultés que cela implique, elle garde une force de vivre et livre un témoignage plein d'espoir au Journal des Femmes. 

Le Journal des Femmes : comment avez-vous découvert votre maladie ?

"Je me trouvais "nulle" et me sentais bizarre"

Nadine : En 2015, je suis revenue de vacances et je devais jouer dans une pièce du théâtre. Une fois qu'on a fini la représentation, le metteur en scène me dit "Nadine, tu n'étais pas comme d'habitude". Et ça m'a fait un "effet miroir", car effectivement, je me sentais bizarre. Je me suis rendue compte que depuis que j'étais rentrée de vacances, je n'arrêtais pas de m'énerver contre moi-même car je faisais souvent tout tomber. Je me trouvais "nulle" et je me suis aperçue que j'avais un problème de préhension. En plus, j'avais des crampes musculaires depuis quelque temps. J'en ai parlé à une copine qui était médecin et elle m'a conseillé de faire un électromyogramme - un examen qui permet d'évaluer le fonctionnement des nerfs et des muscles - pour voir si je n'avais pas un problème. Quand j'ai eu les résultats, en février 2016, la sentence est tombée : j'ai su que j'avais une sclérose latérale amyotrophique (SLA). 

Le Journal des Femmes : vous a-t-on expliqué la cause de votre maladie ?

"Je n'ai pas voulu aller voir sur Internet pour ne pas me faire peur."

Nadine : La neurologue qui a fait l'examen et m'a annoncé le diagnostic, qui n'était pas du tout empathique m'a proposé des antidépresseurs. J'ai refusé et je suis allée à l'Hôpital Henri-Mondor à Créteil pendant une semaine en neurologie. Là-bas, les neurologues pensaient que je n'avais pas cette maladie car il faut savoir que les symptômes sont très différents selon les personnes. Un deuxième électromyogramme fut fait et je n'avais que le deuxième motoneurone d'atteint. Je n'avais pas de souci de moelle épinière et de bulbe rachidien  Ils m'ont ensuite envoyée à l'Hôpital de la Salpêtrière à Paris car ce sont les spécialistes des motoneurones. Là, les spécialistes m'ont dit que j'avais bien une SLA. Les motoneurones innervent les fibres musculaires du squelette et donc qui dirigent les muscles. J'ai été infirmière, puis cadre de santé et enfin en formation de soins infirmiers. Et à cette époque, on ne parlait pas de la sclérose latérale amyotrophique. C'était et ça reste une maladie assez rare, même si j'ai l'impression qu'il y a de plus en plus de cas ces dernières années. Je n'ai pas voulu aller voir sur Internet pour ne pas me faire peur, car on lit tout et n'importe quoi dessus. Mon neurologue dit d'ailleurs que ce n'est pas une maladie mais plutôt un syndrome parce que les symptômes multiples sont extrêmement variables d'une personne à une autre. 

"Il y a pire que moi, il y a des gens qui souffrent beaucoup plus..."

Le Journal des Femmes : quels symptômes sont ensuite apparus ?

Nadine : J'ai eu la préhension, puis j'ai eu des problèmes moteurs, notamment en ce qui concerne la marche. Je vais régulièrement à l'hôpital de jour en pneumologie car j'ai le diaphragme qui est un muscle atteint par la maladie et il m'empêche de respirer lorsque je suis en position demi-assise ou allongée. C'est d'ailleurs un symptôme qui est apparu assez rapidement après le diagnostic. Ensuite, j'ai des problèmes moteurs, notamment en ce qui concerne la marche. Les bras, ça va encore, mais pour les jambes, je suis obligée d'avoir des orthèses qui sont des releveurs de pied. Entre 2016 et 2017, je vivais encore à peu près normalement. Mais à partir de 2017, j'ai dû acheter une canne et un déambulateur. Maintenant, c'est le fauteuil roulant. Depuis un an, je parle beaucoup moins bien qu'avant. Je ne vais plus pouvoir faire du théâtre. Ma fatigabilité s'est accentuée aussi. Au début, les neurologues disaient que la maladie évoluait lentement chez moi, je pense qu'elle a davantage évolué ces derniers mois, notamment en ce qui concerne le langage et mes mains. Alors, certes, il y a pire que moi, il y a des gens qui souffrent beaucoup plus... Je n'ai pas trop de douleurs, à part des douleurs au cou parfois le soir, c'est une bonne chose !

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© Nadine Daudet - DR

Le Journal des Femmes : quelles activités avez-vous dû arrêter ?

Nadine : Je faisais du piano, j'ai dû le revendre et ça a été très douloureux pour moi, émotionnellement. Je faisais de la peinture,du tricot pour mes petits-enfants, j'ai dû arrêter car j'ai de gros problèmes pour attraper et manipuler les choses. Même pour mettre de la crème sur le visage, j'ai beaucoup de mal. Je me débrouille avec le dessus de mes doigts. Je faisais du théâtre dernièrement en fauteuil roulant, mais je ne vais plus pouvoir en faire car je parle beaucoup moins bien qu'avant. Je faisais de la cuisine et j'étais douée d'ailleurs, mais maintenant je ne peux plus. A présent, je peux encore tenir un livre, difficilement, mais je peux le tenir. Donc je suis contente de pouvoir encore lire. Je joue sur mon ordinateur ou sur ma tablette. Ce qui est le plus douloureux, c'est la perte d'autonomie. Une aide-soignante vient me faire la toilette et m'habiller chaque matin. Et des auxiliaires viennent m'aider trois fois par semaine. Mais c'est dur d'avoir tout le temps besoin des autres, surtout pour quelqu'un d'indépendant comme moi. Je ne peux plus ramasser quand je fais tomber quelque chose par terre au risque de tomber. Ce qui me cause beaucoup de peine également, c'est de ne plus pouvoir garder mes petits-enfants. Et aussi, depuis l'année dernière, je n'ai pas été chez ma fille. Je devais aller cet été dans un terrain de camping où mes enfants passent leurs vacances, mais j'ai dû décommander à cause du Covid-19 car je suis une personne à risque. 

Le Journal des Femmes : comment vous vous sentez psychologiquement face à la maladie ?

"Cette maladie exacerbe les émotions"

Nadine : Au début, ça a été très dur psychologiquement car je vis des étapes de deuil au fur et à mesure. Très vite, j'ai gardé le moral, je me suis dit "bon écoute Nadine, il faut que tu sois positive, c'est la vie". Donc je garde la positivité, mon optimisme et je me réjouis des plaisirs simples - comme écouter le chant des oiseaux ou regarder les arbres - même si j'ai des moments de faiblesse parce que cette maladie exacerbe les émotions. Je suis parfois tristounette quand je pense que je suis très diminuée et que je ne peux plus faire grand chose, sortir par exemple. Mais j'ai de la chance d'être suivie par de super neurologues, à La Salpêtrière, donc je suis confiante.

Le 21 juin, c'est la Journée mondiale de la Sclérose Latérale Amyotrophique ou maladie de Charcot. Environ 8 000 personnes souffrent de cette pathologie en France, et 500 000 dans le monde. 

Le Journal des Femmes : êtes-vous engagée dans une association ?

Nadine : Je suis adhérente à l'Association pour la Recherche sur la Sclérose Latérale Amyotrophique (ARSLA), qui me prête régulièrement du matériel et qui m'aide à tenir. J'invite d'ailleurs les gens à leur faire des dons, car c'est une super association, très bienveillante et qui n'hésite pas à venir en aide aux malades. On en parle peu et c'est dommage...

Le Journal des Femmes : quel message souhaitez-vous faire passer aux lecteurs ou aux autres personnes atteints de SLA ?

Nadine : Que la vie est belle tant qu'on est vivant ! "Carpe Diem" - profiter du présent - c'est quelque chose que j'ai mis en place depuis que j'ai une SLA. On doit saisir les petits bonheurs de la vie...  C'est une maladie qu'on ne connaît pas beaucoup, alors il faut en parler le plus possible. 

Merci à Nadine Daudet pour son témoignage. Propos recueillis le 15 juin 2020.