"Mon médecin n'a pas voulu me serrer la main", Sandrine souffre d'eczéma

Sandrine est atteinte d'eczéma atopique, une maladie chronique incurable qui lui gâche ses jours et ses nuits. Elle a longtemps caché sa peau, par honte.

"Mon médecin n'a pas voulu me serrer la main", Sandrine souffre d'eczéma
© 123rf

Le 3 juin 2023 est dédié à la Journée nationale de l'eczéma. Il y a quelques temps, nous avions rencontré Sandrine atteinte d'eczéma depuis l'enfance. La maladie, modérée au début s'est étendue à tout le corps quand elle est devenue adulte. Sa dermatite atopique  a été accentuée par de l'urticaire et des allergies à presque tout

Le Journal des Femmes : Quels sont les signes visibles de votre eczéma ?

Sandrine : J'ai des plaques rouges sur le visage, le cou, derrière les oreilles, sur les mains, les bras, sur tout le corps, jusqu'aux pieds. Les mains sont parfois très rouges et craquelées. Les démangeaisons sont tellement importantes que mes plaques rouges sont parfois grattées à sang.

Le Journal des Femmes : Comment vous percevez-vous et comment les gens vous perçoivent ?

Sandrine : J'ai perdu confiance en moi très jeune, je me suis repliée sur moi-même. Autour de moi les gens disent "oh ma pauvre" à la vue de mes plaques rouges et ça ne me plait pas, ça me diminue, je ne peux pas me sentir comme les autres. Une fois, mon médecin ophtalmologue ne m'a pas serré la main pour me saluer comme d'habitude à l'entrée dans son cabinet médical.

"Une fois, mon médecin ophtalmologue ne m'a pas serré la main"

J'avais tendu la main, en la voyant il a dû penser que j'avais une maladie contagieuse ou autre chose, ça marque. Et puis il y a l'entourage aussi qui ne comprend pas. On me disait sans cesse "arrête de stresser" car le stress est connu comme un facteur aggravant. J'en venais à me demander si je n'étais pas vraiment stressée, ce qui a fini par me conduire à un traitement sous antidépresseurs pendant des années, sans amélioration. Mon mari a presque du mal encore aujourd'hui à comprendre que je ne peux pas me baigner en piscine ou m'habiller autrement qu'avec des vêtements en pur coton. Il ne comprend pas toujours que j'ai besoin d'énormément de produits de soins, de me tartiner de crèmes sans parfums ni conservateurs deux fois par jour, il me dit parfois "t'abuses un peu non ?". Mais moi j'appréhende chaque matin mon regard dans le miroir et découvrir quelle plaque sera apparue, même sous traitement, il n'y a pas de répit. 

"Vous vous arrêtez 10 jours pour de l'eczéma ?!"

Le Journal des Femmes : Quel est l'impact de votre eczéma sur votre vie quotidienne, personnelle et professionnelle ?

Sandrine : Avec mes plaques rouges sur des parties visibles comme le visage, le cou, les mains j'ai failli perdre mon travail d'aide-soignante à l'hôpital. J'en avais conscience lorsque j'ai choisi de faire ce métier, alors je n'ai pas parlé de ce "truc", à personne, ni à la médecine du travail, on ne m'aurait pas stagiairisé, on m'aurait mise inapte. D'autant que je pensais plus jeune que ça allait passer. Par la suite j'ai caché tout ce qui pouvait se voir pour ne pas perdre mon emploi. Mes mains étaient rouges craquelées, et mon métier impose le lavage des mains très fréquent, alors je me suis dit "si je veux garder mon travail, il faut que je mente, et que je fasse comme les autres". Je me lavais les mains avec les mêmes produits lavants que mes collègues pour ne pas paraître différente et éveiller leur soupçon. Je restais discrète sur la douleur, je ne me plaignais jamais, je mettais beaucoup de cortisone pour pallier. Et je ne veux pas paraître plus malade que le patient ! J'ai fini par dire ma maladie à mon directeur, à mes collègues, il y a deux ans lorsque j'ai été arrêtée 10 jours pour mon eczéma. Je me souviens de la réaction de ma responsable au téléphone : "Vous vous arrêtez 10 jours pour de l'eczéma ?!" Oui, et au final j'ai du être arrêtée un mois et demi à cause de poussées intenses. Il y a plus de compréhension aujourd'hui qu'il y a quelques années. Aujourd'hui, j'emmène mon savon et mes crèmes émollientes au travail et j'ose dire que j'ai "ça". Côté vie personnelle et au quotidien, mon mari a encore quelques incompréhensions, le soir quand ma peau me brûle et que je n'ai pas envie de sortir... Je suis aussi sensible à tout, aux acariens, aux odeurs fortes, je fais attention à tout, au choix de mes crèmes, à rincer mon linge deux fois et à la moindre rougeur, je m'automédique. On ne peut pas être comme les autres en période de crise, mais il m'aide à positiver et maintenant que mes enfants sont plus grands, que j'ai un traitement qui marche, je consacre mon temps libre à l'Association Française de l'eczéma dont je suis devenue membre. Il faut pouvoir positiver et en parler. Aujourd'hui je suis heureuse, j'ai envie de vivre mais il m'est arrivée de penser que je ne pouvais plus vivre comme ça.

Sur une échelle de 1 à 10, j'étais à 10 de souffrance, je ne pouvais plus me doucher, ça rend fou cette douleur.

Le Journal des Femmes : Quels sont les traitements que vous avez entrepris ?

Sandrine : J'ai tout essayé : les corticoïdes, les cures thermales, l'UV thérapie, les antidépresseurs... On croit tellement au fond de soi que ça va marcher, que la dermatite atopique va cesser, mais non. L'UV thérapie a marché un temps. Au bout de 9 à 10 séances de "soleil en boîte" j'étais soulagée pour une durée d'environ un an. J'ai tenu quelques années comme ça avant que d'autres problèmes arrivent parce que j'avais trop "pris le soleil", j'ai eu un carcinome sur le front. Il n'y a rien eu comme nouveau traitement efficace, ma dermatologue ne savait plus quoi faire pour moi, elle m'a dit : "Va falloir patienter". J'attendais alors un miracle. Lorsqu'elle est partie à la retraite, je suis allée consulter ailleurs, en cabinet et à l'hôpital. Et c'est là que l'on m'a proposé un nouveau traitement : des injections de dupilumab. J'ai commencé le 1er octobre 2018, je redoutais les effets secondaires, mais j'avais tellement mal que je le prenais. Sur une échelle de 1 à 10, j'étais à 10 de souffrance avec un impact sur mon sommeil, je ne pouvais plus me doucher, ça rend fou cette douleur, les démangeaisons, les brûlures ! Alors j'ai fait confiance au Professeur de l'hôpital Cochin à Paris qui m'a prescrit ces injections. Au début j'ai eu comme une grippe : des nausées, des maux de tête, de la fatigue. Au bout de 3 à 4 jours, les effets attendus étaient réels : la douleur baissait, les plaques sur ma peau devenaient rosées et elles sont parties au fur et à mesure des jours et des semaines qui passaient. Désormais je n'ai plus de souffrance quand je me douche, moins de douleur, j'ai des mains comme tout le monde et plus rien ou presque de visible. Depuis un an et demi je reçois une injection toutes les 4 semaines, mais selon les réactions il est possible d'accentuer le traitement. Les effets indésirables s'atténuent avec le temps, il n'y a que les yeux secs et rouges qui perdurent ainsi, mais on est prêt à subir un peu pour ne plus avoir cet eczéma et cette souffrance. J'ai espoir dans la recherche pour vaincre l'eczéma, j'espère presque une deuxième vie à vivre.

*Le prénom a été modifié pour le témoignage puisque notre interlocutrice a souhaité rester anonyme.