Jean-Christophe Jourde : "Le cancer du sein est moins tabou, c'est un énorme progrès"
A l'occasion de la 26e campagne Octobre Rose, le Journal des Femmes a rencontré Jean-Christophe Jourde, Président de l'association "Cancer du Sein Parlons-en". Quelles sont les attentes cette année ? Sur quoi se concentre la recherche ? Comment soutenir la recherche pour soigner le cancer du sein ? Interview.
Le Journal des Femmes : Comment est né Octobre Rose ?
Jean-Christophe Jourde : Octobre Rose est né en 1992 de l'initiative d'une femme, visionnaire, Evelyn Lauder, belle-fille d'Estée Lauder qui s'est dit : "Cette maladie tue trop de femmes dans le monde, elle est complètement taboue, je voudrais sensibiliser le grand public à cette maladie et surtout au dépistage." En 1992, elle crée aussi le ruban rose qui est maintenant devenu le symbole générique de la lutte contre le cancer du sein dans le monde entier. En 1993, elle est à l'initiative de la Breast Cancer Research Foundation, BCRF, la fondation pour la recherche contre le cancer du sein, et lance une première campagne marquante pour le grand public à travers le monde avec l'illumination de monuments symboliques. Et nous en France, en 1994, sous cette même impulsion, nous créons l'association "Le cancer du Sein, Parlons-en !" qui a donc 25 ans cette année.
Octobre Rose a été créé pour que le cancer du sein ne soit plus tabou. L'est-il moins aujourd'hui ?
Jean-Christophe Jourde : Absolument. Les gens en parlent et en parlent avec espoir. Le message sur l'importance du dépistage par exemple est essentiel et de mieux en mieux diffusé. Il s'agit bien de sensibiliser et d'en parler. En parler veut aussi dire lever des fonds pour la recherche. Aujourd'hui, il y a des femmes qui vivent la maladie de façon très différente.
Le taux de mortalité par cancer du sein a baissé de 20% en 25 ans.
Certaines sont discrètes, d'autres s'affichent plus. Le fait que 9 femmes sur 10 en guérissent quand elles sont traitées à temps nous donne un message d'espoir énorme. Les choses évoluent dans le bon sens.
La recherche a beaucoup progressé sur le cancer du sein. Quels sont selon vous les grandes avancées ?
Jean-Christophe Jourde : La recherche avance dans des thérapies qui sont beaucoup plus ciblées avec moins d'effets secondaires. Donc tant au niveau de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée, de la thérapie, du dépistage que de l'accompagnement dans la thérapie, il y a des progrès. Le taux de mortalité par cancer du sein a baissé de 20% en 25 ans.
Quelles sont les attentes pour cette 26e campagne de dépistage du cancer du sein ?
Jean-Christophe Jourde : D'aller encore plus loin. Nous restons fidèles à notre mission. Un, il faut lever des fonds pour financer la recherche. Deux, sensibiliser parce que la sensibilisation entraîne aussi la levée de fonds et encourage les comportements préventifs (autopalpation, examens gynécologiques réguliers, mammographies tous les deux ans à partir de 50 ans…) Le cancer du sein est une cause qui parle à tout le monde : aux jeunes, aux plus âgés, aux femmes, aux hommes, aux mères, aux filles, aux grands-mères. Tout le monde se sent de plus en plus concerné. Cette cause rassemble et plus on en parle, moins le sujet est tabou. On avance avec cette conviction chevillée au corps : ensemble nous sommes plus forts et ensemble nous pouvons faire progresser la recherche.
Beaucoup de femmes ne participent pas au dépistage organisé du cancer du sein, pourquoi selon vous ?
Jean-Christophe Jourde : Probablement car certaines femmes ne savent pas que ce dépistage organisé existe, probablement car certaines femmes ont peur, probablement aussi parce que ces quelques minutes ne sont pas forcément très agréables. Mais encore une fois les lignes bougent, les messages passent. Il faut continuer.
Les gens osent de plus en plus parler de leur maladie.
Qu'est-ce qui a changé selon vous en 26 ans de campagne ?
Jean-Christophe Jourde : En 2012, nous avons lancé en France un concours photo qui permet aux patients et aux accompagnants, photographes, professionnels ou non, d'exprimer leur vécu de la maladie à travers la photographie et un petit texte. Le fait que nous ayons de plus en plus de photos chaque année est un marqueur important du fait que les gens osent de plus en plus parler de cette maladie, veulent en parler et affrontent la maladie avec moins de tabous, et cela est un énorme progrès.
Quels sont les rôles de l'association "Cancer du sein Parlons-en" ?
Jean-Christophe Jourde : L'association a une double mission : sensibiliser au dépistage et à la maladie et lever des fonds. Nous informons les femmes via la distribution de rubans roses, de kits d'information et de kits de dépistage et bien sûr notre site cancerdusein.org. Nos réseaux sociaux sont aussi extrêmement dynamiques avec une communauté sur Facebook de 700 000 fans où se retrouvent des personnes qui traversent les mêmes épreuves et partagent leurs vécus. Nous animons également un comité scientifique qui étudie tous les projets de recherche qui nous parviennent pour sélectionner des lauréats. Les dons soutiennent ces projets et les donations augmentent au fur et à mesure des collectes.