Prendre soin de son foie pour prévenir les maladies
A l'occasion du 12e Congrès international sur les maladies du foie, les spécialistes font un constat alarmant : la mortalité liée aux pathologies du foie est en augmentation alors que ces maladies peuvent généralement être guéries, prévenues ou contrôlées. Comment prendre soin de son foie ? Le point avec des hépatologues.
844 millions. Ce serait le nombre de personnes atteintes d'une maladie du foie dans le monde, selon les derniers chiffres d'une étude de BMC Medicine (2014). Par ailleurs, ces pathologies seraient responsables de 2 millions de décès par an, soit plus que le diabète, qui est à l'origine de 1.6 millions de décès par an. Dans plus d'un tiers des cas, les maladies du foie sont diagnostiquées à un stade avancé. Comment l'expliquer ? "Ces maladies sont dans la plupart des cas silencieuses et asymptomatiques. En effet, le foie étant peu innervé, il ne fait pas souffrir contrairement à d'autres organes comme l'estomac ou l'intestin, voilà pourquoi ces maladies sont révélées à un stade trop évolué et incurable. La preuve : 20% des Français ont un foie en souffrance et l'ignorent", déplore le Professeur Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon et fondateur de la Paris Hepatology Conference, dont la 12e édition s'est déroulée les 14 et 15 janvier 2019 au Palais des Congrès à Paris. Et d'ajouter que "la plupart des gens ne se soucient pas de leur foie. D'ailleurs, les 3/4 d'entre eux ne savent même pas où il est placé dans le corps !" Pourtant, contrairement aux autres maladies chroniques, les pathologies du foie peuvent être très souvent prévenues, guéries ou contrôlées pour ne pas qu'elles évoluent vers un cancer.
A quoi sert le foie ?
Le foie est un organe de l'appareil digestif, situé au-dessus de l'estomac. Il s'agit du viscère le plus volumineux du corps. C'est grâce à lui que l'organisme peut faire des réserves d'énergie (il permet de stocker les vitamines et le glycogène, un glucide) et les restituer tout au long de la journée. Il assure notamment le maintien d'une glycémie normale et est chargé de "dégrader" les substances toxiques pour l'organisme qui seront ensuite éliminées par les selles et l'urine. Les cellules du foie éliminent ainsi l'alcool en transformant l'éthanol contenu dans l'alcool, en acétaldéhyde et en acétate, deux substances qui seront également évacuées dans l'urine. Si le foie a des capacités régénératrices, il n'est pas invulnérable et peut être endommagé par une alimentation trop riche en graisses et en sucres, mais aussi par une consommation excessive d'alcool.
Que risque le foie s'il est malmené ?
En cas d'abus, le foie peut rapidement être endommagé sans pour autant présenter des symptômes. La maladie la plus fréquente est la Nash - ou la stéatohépatite non alcoolique - surnommée communément la "maladie du foie gras" ou la "maladie du soda". Longtemps cantonnée aux États-Unis et méconnue en France, la stéatose est de plus en plus fréquente dans notre pays et concernerait presque 1 Français sur 4. Et 20 à 30 % d'entre eux présenteraient une stéatohépatite non alcoolique, donc une Nash. Ainsi, sur le long terme, cette pathologie peut évoluer, si elle n'est pas diagnostiquée et donc non traitée, en diabète de type 2, en cirrhose voire en cancer du foie. "S'il n'existe à l'heure actuelle aucun traitement efficace pour réduire la Nash, seul un changement de son mode de vie (rééquilibrer son alimentation, diminuer sa consommation de sucres, de graisses et d'aliments transformés, augmenter son activité physique...) permet de faire fondre la graisse et d'améliorer les facteurs de risques", explique le Professeur Lawrence Serfaty. hépatologue et chef du Service des maladies du foie, au CHU de Strasbourg.
Un dépistage précoce est indispensable
"Des transaminases élevées est révélateur d'un foie en souffrance"
Parmi les personnes souffrant d'une pathologie chronique du foie, 20 à 30% d'entre elles développent une cirrhose au bout de longues années, et sur ces cirrhoses avérées, le risque de développer un cancer du foie est de 3% par an, apprend-on lors de la conférence. Or, la cirrhose, pourtant l'un des stades les plus ultimes d'une maladie chronique du foie avec le cancer, peut régresser voire complètement disparaître si elle est prise en charge suffisamment tôt. "Le dépistage est le seul moyen de savoir si son foie va bien et fonctionne correctement ou s'il souffre", insiste le Pr Marcellin. Ce dépistage consiste en un dosage des transaminases, une prise de sang simple à réaliser, bon marché, mais que les médecins ne font que très rarement. Pourtant, un taux élevé de transaminases (des enzymes appelées ALAT et ASAT) représente un indicateur fiable de l'inflammation du foie et permet ainsi de détecter une maladie du foie, quelle que soit sa cause. "Nous devons sensibiliser le public, les professionnels de santé et les autorités sanitaires pour encourager la mise en place de politiques efficaces afin de diminuer la mortalité liée aux maladies du foie. Par exemple, le dosage systématique des transaminases lors de tout examen de routine constitue aujourd'hui le meilleur outil pour dépister à grande échelle et traiter les maladies du foie encore trop souvent négligées. D'autant plus que s'ils sont prescrits à temps, il existe des traitements très efficaces contre les maladies hépatiques", conclut le Pr Marcellin.