L'anticancéreux docetaxel a causé 48 décès entre 1996 et 2016
Le bilan du nombre de victimes traitées par l'anticancéreux docetaxel pendant vingt ans s'alourdit. L'Agence du médicament a présenté hier les résultats de l'enquête de pharmacovigilance.
L'Agence du médicament a présenté le 28 mars les résultats de l'enquête de pharmacovigilance, lancée en septembre 2016 à la suite de signalements de cas d'entérocolites ayant entraîné des décès chez des patientes atteintes d'un cancer du sein opérable traitées par docetaxel. Au total, sur la période couverte par l'enquête (1996 – 7 février 2017, soit plus de 20 ans) 187 cas de colites ou de chocs septiques ont été rapportés, dont Les décès restent rares (de l'ordre de 1/10 000) pour un médicament qui a permis de réduire la mortalité dans de très nombreux cancers", précise l'ANSM dans un communiqué. Dans l'attente d'éléments complémentaires, l'agence maintient sa recommandation d'éviter l'utilisation du docetaxel dans les cancers du sein localisés opérables.
Ce médicament est prescrit pour diminuer le risque de récidive dans les cancers du sein entre autres. Mais alors qu'il existe une alternative thérapeutique (le placlitaxel), l'absence de décision des autorités sanitaires ces derniers mois interroge. L'agence du médicament a en effet attendu le 17 février dernier pour publier un communiqué recommandant d'éviter temporairement le docetaxel, par précaution. Soit deux jours après la révélation de l'affaire par le quotidien Le Figaro. Entre temps, l'Institut Curie et l'Institut Gustave Roussy, aient pris les devants, en décidant d'eux-mêmes d'arrêter de prescrire le médicament.
Un nouveau scandale ? Le magazine Rose, un féminin à destination des malades du cancer, publie une enquête qui décrit les événements ayant mené à la révélation de ce nouveau scandale. Le magazine explique que les premières alertes sont survenues dès 2010 après que le laboratoire ait changé la présentation de son médicament et simplifié la préparation des perfusions en un unique flacon prêt à diluer. Les soignants auraient alors observé une différence, commente l'oncologue Marc Espié (Hôpital Saint Louis à Paris) pour Rose Magazine : "Quand on a vu une augmentation des effets secondaires indésirables, on a demandé au fabricant ce qui avait changé. Le labo nous a répondu que c'était dû au "changement de forme". Du coup, on a adapté nos usages." La même année, l'ANSM saisit l'EMA (European Medicines Agency), après que les centres français de pharmacovigilance lui aient fait remonter nombre d'effets secondaires graves, L'EMA ne réagissant pas, l'Agence du médicament se contente d'informer par courrier les oncologues français qu'il peut y avoir "une légère augmentation du risque de survenue d'effets indésirables". Et cesse ses investigations. En 2012, le brevet tombe et les premiers génériques sont commercialisés. C'est à cette période que les médecins remarquent, selon le magazine, une hausse des effets secondaires. Une cancérologue de Lyon explique avoir informé l'ANSM. "L'agence nous a répondu de manière évasive : "On ne voit pas trop. Effectivement, dans la nouvelle formulation, il y a un excipient différent, la formulation a changé…". Ce n'est finalement qu'en 2016 que le grand public prend connaissance des décès suite à un article du Figaro qui fait état de plusieurs cas récents. Le Dr Suzette Delaloge, chef du service pathologie mammaire de l'IGR, raconte : "Devant l'augmentation majeure des toxicités récentes, nous avions déjà baissé les doses, prescrit des facteurs de croissance, mais cela ne suffisait plus. Le 16 août, après la mort d'une nouvelle femme, nous avons décidé de stopper net cette chimio, téléphoné aux patientes, organisé la mise sous taxol, alerté tous nos collègues. Nous avons prévenu l'ANSM". Lire l'enquête complète de Rose Magazine.
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