Les discriminations professionnelles persistent pour les diabétiques
Nombre de diabétiques sont dans l'impossibilité d'accéder à certains métiers. La raison ? Une législation obsolète totalement déconnectée des progrès thérapeutiques et des conditions de travail actuelles.
Avec 4 millions de personnes touchées, le diabète est la maladie chronique la plus fréquente en France. Pour autant, si cette maladie impose une hygiène de vie stricte et un contrôle quotidien de la glycémie, elle n'est en aucun cas un handicap.
Alors comment expliquer que dans les faits, l'accès à l'emploi et l'évolution professionnelle des diabétiques ne ressemble pas à celle de tout le monde ? Et même, pire, que les diabétiques soient victimes de discriminations ?
De nombreux diabétiques se voient refuser des postes à cause de leur maladie. Avoir un diabète peut ainsi être un frein pour devenir ingénieur des Mines, policier, pilote ou encore contrôleur de la sécurité sociale. Pourquoi ? Simplement parce que la législation n'a pas évolué depuis une cinquantaine d'années. On arrive ainsi à des aberrations, comme cet arrêté du 23 février 1957 encadrant le travail des ingénieurs des mines, qui interdit en 2017 l'entrée à l'Ecole des Mines aux personnes diabétiques. "En dépit des progrès thérapeutiques et des conditions de travail différentes aujourd'hui, c'est toujours la même loi qui régit le sujet !", a déploré Véronique Massonneau, député écologiste de la Vienne à l'occasion d'une conférence de presse le 21 janvier. Un mois plus tôt, le 24 janvier, celle-ci avait interrogé Marisol Touraine lors des "questions au gouvernement". "Elle a répondu favorablement et s'est engagée à remettre à plat les textes relatifs aux conditions d'aptitude pour les personnes diabétiques, et le cas échéant pour d'autres maladies."
Source : enquête "Diabète et travail", réalisée par la Fédération française des diabétiques, 2012. |
Aujourd'hui, les diabétiques peuvent vivre et travailler comme n'importe qui. D'autant plus que les traitements et outils de contrôle de la glycémie ont beaucoup évolué ces dernières années, notamment grâce aux progrès technologiques. Les dispositifs d'auto-surveillance sont ainsi beaucoup plus simples à utiliser et plus efficaces, ce qui limite les risques de complications. Mais aussi plus discrets : les diabétiques sont plus libres et autonomes, y compris sur leur lieu de travail. "Il existe de nouveaux dispositifs et organisation pour permettre aux diabétiques de réaliser leurs rêves et d'envisager un avenir plus serein, observe Gérard Raymond, Président de la Fédération Française des Diabétiques. Après l'arrivée des pompes à insuline dans les années 80, on est désormais entrés dans l'ère de l'éducation thérapeutique, c'est un pas de géant dans la prise en charge. Nous avons à disposition des dispositifs révolutionnaires pour contrôler la glycémie. Cela permet de le faire sans demander d'autorisation à son employeur, plusieurs fois dans la journée, en toute discrétion. Or, des jeunes diabétiques se heurtent à des experts médicaux qui leur refusent l'accès à certains métiers en s'appuyant sur des textes obsolètes..."
Championne de karaté, mais recalée. Et les témoignages sont nombreux et très révélateurs. C'est par exemple le cas d'Alizée Agier, cette sportive de haut niveau, qui à 22 ans a déjà un palmarès exceptionnel. Championne du monde de karaté en 2014, elle a pourtant été récemment empêchée d'intégrer la police nationale, un rêve qu'elle mène en parallèle de son sport. Et ce malgré sa réussite à l'ensemble des épreuves. Et pourtant.... "Lors de la visite médicale, j'ai reçu un non catégorique des médecins du travail. J'ai ensuite fait appel de la décision, mais je n'ai même pas été vue par les médecins et je n'ai pas eu la possibilité de prouver quoi que soit, explique-t-elle. Il n'y a pas de cas par cas. Donc, j'ai eu une autre réponse négative… Mais la jeune femme, qui a déjà prouvé qu'on peut allier sport de haut niveau et diabète, ne compte pas s'arrêter là. "Je veux me battre pour les milliers de diabétiques qui n'ont pas accès à leur métier !"
Alban Orsini, écrivain et auteur de "Merci pour ce diabète" témoigne également de la difficulté d'assumer son diabète dans la société. Selon lui, la discrimination est une réalité de part l'accès difficile à certains métiers, mais aussi par "ces petites réflexions des collègues qui parasitent" cette "méconnaissance de la pathologie dans le monde du travail". "Les gens s'imaginent qu'on va faire des malaises et estiment normal qu'on soit obligé de le cacher... Résultat, les gens nient leur pathologie et s'isolent pour contrôler leur glycémie. Moi je suis militant, je ne souhaite pas m'en cacher. Je pense que nous devons nous imposer davantage dans la société."
Parlementaires et associations s'engagent. En janvier dernier, la Fédération Française des Diabétiques et l'association Aide aux Jeunes Diabétiques lançaient une campagne "Je fais un vœu : choisir le métier de mes rêves avec mon diabète", accompagnée d'une pétition, soutenue aujourd'hui par plus de 36 000 personnes. Le gouvernement actuel a entendu le message et semble favorable à une évolution des textes, c'est un premier pas. Pour l'heure, en cette période préélectorale, les députés -Véronique Massonneau et Yann Galut- interpellent également les candidats à la Présidence de la République. Dans une lettre qui leur est adressée, ils leur rappellent qu'il y a "urgence à agir pour combattre les discriminations professionnelles" et leur demandent de "s'engager dès aujourd'hui à actualiser la réglementation en vigueur" s'ils sont élus.
En vidéo : le témoignage d'Alizée Agier