Ne pas paniquer en cas de morsure de tique
Se faire mordre par une tique, est-ce vraiment dangereux pour notre santé ? Entretien avec la scientifique Muriel Vayssier-Taussat, qui vient nous éclairer sur la maladie de Lyme et ses enjeux.
[Mise à jour, 13/07/2016] Cet année, la maladie de Lyme fait parler d'elle. Entre la recrudescence du nombre de tiques en cette période estivale, et les difficultés liées au diagnostic de la maladie, difficile de ne pas se poser de questions. Dans L'Obs du 13 juillet 2016, une centaine de médecins lancent un appel à Marisol Touraine pour demander au gouvernement de financer de nouveaux tests diagnostics. "Il y a urgence", affirment les signataires, parmi lesquels le Pr Christian Perronne (chef de service en infectiologie à l'hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches).
Muriel Vayssier-Taussat est responsable de recherche de l'équipe Vectotiq (Ecologie des agents pathogènes transmis par les tiques), dépendante de l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA). Spécialiste de la transmission, à l'homme et à l'animal, de pathogènes par les tiques, à l'École nationale vétérinaire de Maison-Alfort (EnvA), elle répond à nos questions.
En ce qui concerne la maladie de Lyme, notamment en terme de prévention et de recherche, la France semble en retard par rapport à d'autre pays. Qu'en pensez-vous ?
Muriel Vayssier-Taussat : Je ne suis pas certaine qu'on soit particulièrement en retard en France. C'est tout de même une problématique qui est européenne, voire plus large que ça, car la maladie de Lyme est présente dans tout l'hémisphère nord, aux États-Unis et en Europe. Je dirais que le problème est assez général.
Des recommandations des sociétés d'infectiologie européennes ont été émises pour traiter la maladie de Lyme. Du coup, tous les pays d'Europe utilisent, normalement, les mêmes recommandations. En 2006, il y a eu, en France en tout cas, une conférence de consensus pour le traitement de la maladie de Lyme, que les médecins sont supposés suivre et qui est quand même assez stricte. D'ailleurs, beaucoup de personnes en demandent une révision, qui prendrait en compte les avancées scientifiques depuis 2006 et serait moins rigide sur la manière de traiter la maladie.
"La problématique est devenue mondiale, les associations se mobilisent... On ne peut plus fermer les yeux"
Le manque de sensibilité des tests diagnostics de la maladie de Lyme est souvent mentionné. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Le traitement c'est une chose, mais le gros problème c'est surtout le diagnostic de cette maladie. Les tests ne sont effectivement pas extrêmement performants, comme le souligne d'ailleurs un rapport du Haut Conseil de la santé publique.
On ne connaît pas forcément la sensibilité, ni la spécificité des tests. Par exemple, une personne qui va être exposée à la bactérie ne va pas forcément être malade, mais le test va diagnostiquer cette personne comme positive pour la maladie de Lyme. On a donc des problèmes pour savoir si un test positif veut effectivement dire que la personne est malade. A l'inverse, il y a des personne qui sont diagnostiquées pour la maladie Lyme par les médecins, et pour qui le test revient négatif.
La maladie de Lyme elle est provoquée par des bactéries qui appartiennent à un complexe qui s'appelle Borellia. Mais d'autres micro-organismes et microbes sont également présents dans les tiques. Ils peuvent donc aussi être transmis à l'homme et provoquer des maladies, qui ne sont pas du tout diagnostiquées par les tests diagnostic de la maladie de Lyme. Il y a donc probablement des gens malades à la suite d'une piqûres de tique, séronégatifs pour la maladie de Lyme, non pas pas parce que les tests ne sont pas bon, mais parce qu'ils sont infectés par un autre pathogène. D'où le besoin de vraiment développer la recherche sur tous ces aspects. En France, peu de personnes travaillent sur l'aspect humain des maladies transmises par les tiques.
Pourquoi la recherche ne s'y intéresse-t-elle pas selon vous ?
Je pense que pendant longtemps, on a considéré que la maladie de Lyme n'était pas très importante et finalement bien gérée. On avait un test de diagnostic, il n'y avait donc pas de problème. Mais aujourd'hui, vu que la problématique est devenue mondiale et que les associations de patients se mobilisent, je pense qu'on ne peut pas fermer complètement les yeux en disant "circulez il n'y a rien à voir". Il y a forcément un problème et le rôle des scientifiques comme moi, est de voir effectivement quel est ce problème, quels sont les microbes impliqués dans les maladies transmises par les tiques, et comment mieux les diagnostiquer. Plusieurs équipes, du coté de la santé animal, travaillent sur les tiques et les agents pathogènes qu'elles transmettent. Du coté humain il y en a moins, mais je pense que cela va changer, notamment grâce à la mobilisation des associations. Le Ministère de la Santé se rend compte qu'il s'agit vraiment d'un problème de santé publique, et qu'il faut s'y intéresser. Je pense que dans les prochains mois, les prochaines années, des fonds vont être débloqués pour ces recherches. C'est en tout cas ce que je ressens.
"Il ne faut pas paniquer, ce n'est pas parce qu'on est piqué par une tique qu'on sera forcément malade."
En cas de piqûre, faut-il paniquer ?
Il ne faut pas paniquer, ce n'est pas parce qu'on est piqué par une tique qu'on sera forcément malade. Toutes les tiques ne transportent pas des microbes. On peut donc être piqué par une tique qui n'a pas de microbes pathogènes pour l'homme. Ensuite, il a été démontré que dans 10 % des cas, une personne piquée par une tique porteuse de l'agent de Lyme va déclarer la maladie. Donc au final, les risques sont assez faibles. Il ne faut pas paniquer et il ne faut pas non plus prendre des antibiotiques parce qu'on a été piqué, juste en prévention.
En revanche, il faut vraiment être attentif. Premièrement, il faut enlever la tique le plus vite possible. Deuxièmement, il faut vraiment observer l'endroit de la piqûre pour voir si on a le fameux érythème migrant. Il s'agit d'une tache rouge qui grossit et migre au fil des jours avant de finalement disparaître. Si un petit point rouge apparaît, ce n'est pas grave. Si c'est une tache rouge qui progresse, là il faut tout de suite aller voir son médecin, car c'est un signe vraiment évocateur de la maladie de Lyme. C'est à ce moment là que le médecin va traiter la maladie avec des antibiotiques. Si on la traite vite, il n'y aucune complication par la suite.
Il peut aussi y avoir d'autres manifestations. Si quelques jours après une morsure de tique on ne se sent pas bien (fièvre, symptômes pseudo grippaux), il faut aller consulter son médecin.