Une campagne choc pour dénoncer les prix gonflés de certains médicaments
Avec une campagne d'affichage choc et provocatrice, l'ONG Médecins du monde souhaitait alerter le grand public sur les problèmes des prix des médicaments innovants. Mais les panneaux n'ont pas été affichés comme prévu.
Ce lundi, Médecins du Monde souhaitait se faire entendre : c'est chose faite, même si tout ne s'est, semble-t-il, pas passé comme prévu. L'objet de la campagne : l'explosion du prix de certains médicaments, en particulier contre l'hépatite C et le cancer. Des prix fixés, explique l'ONG, en fonction des capacités des Etats à payer pour avoir accès au traitement. En d'autres termes, plus un Etat est riche, plus le prix du médicament sera élevé. De leur côté, les laboratoires justifient les prix élevés de certains médicaments par le coût de l'innovation, de la recherche à la production, et par le bénéfice thérapeutique.
Une chose est sûre, pour les patients, ces traitements représentent de fait un progrès considérable en termes d'espoir de guérison et d'allongement de leur durée de vie. Mais le prix à payer peut atteindre des sommes irréalistes. Par exemple, le médicament révolutionnaire contre le mélanome (Keytruda®) peut coûter plus de 100 000 euros par an pour le patient. Le Glivec, utilisé pour soigner la leucémie est vendu 40 000 euros par an et par patient. Quant au traitement de l'hépatite C, le Sovaldi, s'il est révolutionnaire par son efficacité, son prix est tel, qu'il est aujourd'hui réservé aux malades les plus graves.
Campagne choc. L'objectif de Médecins du monde : faire pression sur l'Etat pour qu'il régule davantage le prix des médicaments. Pour ce faire, l'ONG a conçu sa nouvelle campagne, à travers 12 affiches, sur lesquelles on peut lire des messages provocateurs ciblant directement l'industrie pharmaceutique : "Avec l'immobilier et le pétrole, quel est l'un des marchés les plus rentables ? La maladie" ou encore "Chaque année en France, le cancer rapporte 2,4 milliards d'euros", et aussi "Bien placé, un cancer peut rapporter jusqu'à 120 000 euros".
Cette campagne a été interdite. N'est-ce pas plutôt le profit indécent qui devrait être interdit? #LePrixdelaVie pic.twitter.com/cEhF4EGgPg
— Médecins du Monde (@MdM_France) 13juin 2016
Mais la campagne ne plaît pas à tout le monde. De fait, l'opération de Médecins du Monde aurait été déconseillée par l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) aux sociétés gérantes des affichages publicitaires. Selon les Inrocks, si aucun diffuseur n'a voulu prendre le risque d'afficher la campagne, c'est pour ne pas prendre le risque de se fâcher avec un grand laboratoire. Les Inrocks s'est en effet procuré l'extrait du "conseil" transmis par l'ARPP à la société Médiatransports qui gère les affichages publicitaires. Trois raisons sont pointées : la "référence à des maladies graves" peut être perçue comme "choquante par le public" et des "allégations chiffrées" non sourcées sur les affiches. Et surtout, la note précise : "Nous attirons tout particulièrement votre attention sur le risque de réactions négatives que pourrait susciter l'axe de communication choisi, de la part des représentants de l'industrie pharmaceutique. En effet les entreprises ainsi mises en causes pourraient estimer qu'une telle campagne porte atteinte à leur image et leur cause un grave préjudice et décider d'agir en ce sens." Ce conseil aurait selon les Inrocks, encouragé Médiatransports à donner un avis négatif à Médecins du Monde. Sollicités par l'ONG, aucun autre afficheur, parmi lesquels JC Decaux, n'ont donné suite, non plus, aux sollicitations de Médecins du monde.
La fédération des entreprises pharmaceutiques (Leem) a tenu à réagir à la campagne de Médecins du monde ce lundi, la qualifiant de "mensongère". "Imaginer que les Entreprises du Médicament spéculent sur l'aggravation de certaines maladies comme le cancer du sein n'est pas seulement injurieux pour les industriels, il est également particulièrement choquant et irrespectueux pour les millions de personnes qui se battent quotidiennement contre la maladie", peut-on lire dans leur communiqué de presse. Le Leem rappelle notamment que "le prix de ces médicaments est fixé par le Comité économique des produits de santé à l'issue de négociations avec les industriels. En aucun cas, les industriels ne fixent donc leur prix de façon unilatérale."
Précisons que la ministre de la Santé avait annoncé en mai dernier vouloir établir un accès universel aux traitements, très efficaces mais très chers, à l'occasion d'un colloque consacré aux hépatites virales. Et avait promis une renégociation des prix à la baisse. De son côté, François Hollande avait convaincu ses homologues du G7 lors de leur réunion au Japon d'intégrer dans la déclaration finale la nécessité de remédier à l'emballement des prix. A suivre donc.
Médecins du monde a par ailleurs lancé une pétition adressée à la ministre de la santé Marisol Touraine, et accessible en ligne, sur leprixdelavie.com