Essai clinique à Rennes : l’une des victimes raconte son calvaire
Le 10 janvier, à Rennes, un accident lié à un essai clinique avait entraîné le décès d’un volontaire et l’hospitalisation de cinq autres. L’un d’eux a raconté son calvaire dans un entretien au Maine Libre.
"Je ne pouvais plus parler, plus bouger" : l'un des six hommes hospitalisés lors de l'essai thérapeutique qui a fait un mort en janvier à Rennes a raconté son calvaire dans un entretien publié lundi dans Le Maine Libre et relaté par l'AFP. L'homme, un Sarthois de 42 ans, qui souffre aujourd'hui de séquelles neurologiques, est toujours en rééducation. "J'ai encore des vertiges, des malaises si je reste plus de dix minutes debout. Et je vois toujours double. Les médecins ont espoir que ça revienne dans six mois ou un an. Mais ils ne sont pas sûrs", raconte-t-il avec une élocution encore hésitante, dans les colonnes du quotidien régional.
Le cobaye de l'essai clinique qui a viré au drame, visiblement très choqué, ne cache pas son incompréhension vis-à-vis du laboratoire Biotrial. "Ils ont fait des erreurs. Pourquoi a-t-on pris le traitement [une molécule destinée à soulager douleur et anxiété, NDLR] un jour de plus, alors que la première victime était déjà hospitalisée ?", questionne-t-il. L'homme, qui avait commencé à prendre le traitement le 7 janvier, explique en effet que les premiers signes anormaux, des maux de tête, sont survenus le 11 janvier. Soit le lendemain du décès de l'un des volontaires. "J'ai dit mes symptômes aux médecins et infirmiers. On m'a donné du Doliprane. Le lendemain, ça n'allait plus. J'avais encore plus mal à la tête, et c'était noir sous mes paupières. Un médecin m'a donné une poche de glace et encore du Doliprane. Le 13, quand je me suis levé, j'avais des étourdissements, je ne voyais plus rien. J'ai voulu prendre une douche et je n'y arrivais pas. Quand j'ai voulu ranger mes affaires dans le vestiaire, je suis tombé", se souvient-il.
"Je ne pouvais plus rien faire". Le volontaire est alors transféré au CHU de Rennes : "A l'IRM, il y avait des tâches de sang et des traces blanches dans mon cerveau." Son état s'aggrave les deux jours suivants malgré un premier traitement : "Je ne pouvais plus parler, plus bouger, plus m'asseoir... Je ne pouvais plus rien faire", raconte-t-il. Le 14 janvier, les médecins diront à sa compagne : "Ça serait bien que vous emmeniez les enfants, on ne sait jamais."
A "titre exploratoire", le patient prend alors un autre traitement, avec son accord, et son état s'améliore. "Les médecins étaient étonnés que je m'améliore comme ça. Ils ne me voyaient pas remarcher ou parler." "Ils n'ont pas dit la vérité sur les chiens. Si j'avais su que des chiens étaient morts, je n'aurais pas risqué ma vie pour 1 900 euros. Je n'aurais pas signé", ajoute-t-il, en faisant allusion à un article du Figaro révélant que des chiens étaient morts lors des essais précliniques du médicament.
Manquements du laboratoire Biotrial. L'enquête de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), dont les premières conclusions ont été dévoilées début février, avaient déjà révélé des manquements majeurs dans cette affaire. En particulier, "le laboratoire ne s'est pas tenu suffisamment informé de l'état de santé du premier volontaire hospitalisé", peut-on lire dans le rapport. Il a en outre procédé le 11 janvier à l'administration de la molécule testée à d'autres volontaires, alors qu'un volontaire avait déjà été hospitalisé la veille. Second manquement, découlant du premier, les inspecteurs ont constaté que le laboratoire n'a pas formellement informé les autres volontaires de l'événement survenu la veille, ce qui ne leur a pas permis de confirmer de manière éclairée leur consentement à la poursuite de l'essai clinique.
Avec les quatre autres patients qui ont participé à l'essai clinique mené par le laboratoire Biotrial, le Sarthois a déposé une plainte contre X pour "blessures involontaires", a-t-on appris lundi. Par ailleurs, les proches de l'homme décédé ont également porté plainte contre X pour "homicide involontaire".
En vidéo : le témoignage de Stéphane