Politique vaccinale : que contient le plan de Marisol Touraine ?
Dans un contexte de méfiance vis-à-vis de la vaccination, le rapport dévoilé ce matin par la ministre de la Santé était particulièrement attendu. Pour l’heure, la politique vaccinale n'évolue pas. Mais le débat est ouvert avec la mise en place d’une concertation citoyenne.
Ce matin, Marisol Touraine a présenté son plan d'action en 4 axes pour une rénovation vaccinale. "Depuis plusieurs années – c'est un fait - un mouvement de défiance vis-à-vis de la vaccination s'est développé dans notre pays notamment. Malgré une situation globalement satisfaisante, des signes préoccupants ne peuvent être négligés : le taux de couverture vaccinale contre la grippe a chuté de 13 points depuis 2008, les professionnels de santé expriment leurs inquiétudes face à la baisse de la vaccination chez les nourrissons et à la résurgence régulière de cas de rougeole", a déclaré la ministre. Avant de préciser que même si certaines des origines de ce mouvement tiennent pour partie "à la manipulation, à la désinformation", elles relèvent également d'une "insuffisante lisibilité de notre politique vaccinale", d'un manque de compréhension de l'intérêt collectif de la vaccination ou encore d'inquiétudes alimentées par les ruptures de stock ou de polémiques ayant "jeté le doute sur la parole publique". "On ne peut balayer d'un revers de la main ces préoccupations, au motif qu'elles ne seraient pas rationnelles", a-t-elle ajouté.
Lancement d'une concertation citoyenne en mars. Faut-il maintenir une différence entre les vaccins obligatoires et les vaccins recommandés ? La question mérite d'être débattue selon la ministre, qui a annoncé la mise en place d'une concertation citoyenne, organisée en trois temps, tout au long de l'année 2016. Pour ce faire, un comité d'orientation, présidé par Alain Fischer, Professeur en immunologie pédiatrique est crée. Dès le mois de mars, une plateforme web recueillera les contributions citoyennes, professionnelles, associatives, institutionnelles. A partir du mois de mai, un jury de citoyens, un jury de professionnels de santé et un jury d'experts scientifiques analyseront ces contributions en n'écartant aucune des questions de fond que se posent les Français. Au mois d'octobre, un débat public national permettra d'échanger sur les avis des jurys et le contenu des contributions citoyennes. Enfin, viendront les propositions pouvant faire évoluer la politique vaccinale. Elles devraient être formulées en décembre 2016.
Mieux informer le grand public et des professionnels de santé. Dès le début de cette année, divers outils permettront de renforcer l'information autour de la vaccination. La création d'un site dédié à la vaccination sera mis en place par la future agence nationale de santé publique (ANSP). Marisol Touraine a également annoncé la mise œuvre d'un carnet de vaccination électronique personnalisé afin de mieux suivre le statut vaccinal des patients.
Vers plus de transparence ? Afin de mieux coordonner le pilotage de notre politique vaccinale, Marisol Touraine propose de formaliser, sous l'égide de la DGS, les échanges entre le ministère, l'Agence nationale du médicament (ANSM) et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). L'objectif étant d'améliorer les connaissances sur les effets indésirables. Hier, Michèle Rivasi, eurodéputée EELV, et Didier Lambert, porte-parole de la campagne Pour des vaccins sans aluminium, avaient publié une tribune dans le Nouvel Obs, pour demander un débat pluraliste et transparent autour de la vaccination sujette à de nombreux conflits d'intérêt, mais aussi le renforcement de la pharmacovigilance.
Pénuries de vaccins : la ministre durcit le ton. "Je tiens à le dire d'emblée : nous sommes aujourd'hui dans une situation préoccupante s'agissant de l'approvisionnement de certains vaccins essentiels. Cette situation n'est pas acceptable, parce qu'elle suscite des inquiétudes, parce qu'elle entraine des suspicions, qui fracturent le parcours vaccinal", a déclaré la ministre, soulignant qu'il ne serait ni "acceptable", ni "compris" que les industriels ne garantissent pas l'approvisionnement des vaccins. "L'Etat assumera toutes ses responsabilités. Les entreprises doivent assumer les leurs", a-t-elle encore martelé. Aussi, Marisol Touraine propose de sécuriser l'approvisionnement des vaccins et lutter les pénuries. Alors que la France connait depuis plusieurs mois des tensions d'approvisionnement vaccinales, les industriels produisant des vaccins auront désormais l'obligation de mettre en place des plans de gestion des pénuries. Elles seront sanctionnées en cas de non respect. La Ministre réunira par ailleurs, avant la fin du mois, les industriels ainsi que le comité vaccination du LEEM, pour qu'ils lui remettent des propositions afin d'empêcher toute rupture d'approvisionnement des vaccins inscrits dans le calendrier vaccinal et assumer ainsi leurs responsabilités.
La semaine dernière, un couple était condamné à de la prison avec sursis pour avoir refusé de faire vacciner leurs enfants contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP), suscitant l'incompréhension des accusés. De fait, le père de famille avait souligné que le vaccin DTP –le seul vaccin obligatoire en France – n'était pas disponible seul, mais uniquement sous forme hexavalente, donc associé à cinq autres vaccins non obligatoires. Et de fait, les laboratoires associent systématiquement le DTP à d'autres vaccins (et délivrent le DTP seul à titre exceptionnel lorsque le médecin en fait la demande).