Glyphosate : pas dangereux, vraiment ?
L'herbicide le plus utilisé au monde serait sans danger selon l’Agence européenne de l’alimentation. Un avis qui tranche avec celui de l'OMS, qui en mars dernier l'avait classé comme "cancérigène probable".

Le glyphosate n'est ni génitoxique, ni une menace cancérigène pour l'homme, conclut un rapport de l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) publié jeudi. Conséquence directe de la décision européenne : "les experts n'ont pas proposé que le glyphosate soit catégorisé comme cancérogène dans la réglementation de l'UE sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances chimiques", rapporte l'EFSA dans un communiqué.
L'avis de l'EFSA doit maintenant éclairer la Commission européenne dans son évaluation de la substance. Celle-ci doit en effet décider si elle maintient ou non le glyphosate (pendant 10 ans) sur la liste de l'Union européenne des substances autorisées. "Nous allons examiner attentivement l'étude et les conclusions de l'EFSA. Nous avons jusqu'à juin prochain pour prendre une décision, en consultation avec les Etats membres", a réagi un porte-parole de la Commission lors d'un point presse.
Un avis surprenant, alors qu'en mars dernier, l'OMS avait justement épinglé le même insecticide (de même que le malathion et le diazinon) en le classant "cancérogène probable". Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'OMS, se basant sur une synthèse de la littérature scientifique sur le sujet, avait en effet conclu que selon des études cas-témoins d'exposition professionnelle conduites en Suède, aux Etats-Unis et au Canada, le gluphosate induisait un risque accru de cancer du sang. Dans la foulée, des pays avaient restreint son utilisation. En France, la ministre de l'Environnement Ségolène Royal avait même réclamé l'interdiction de la vente aux particuliers d'herbicides contenant la substance.
Enjeux environnementaux et économiques. Le glyphosate est l'ingrédient du produit phare de l'américain Monsanto, le Roundoup. Il est autorisé en Europe et très largement utilisé en tant qu'herbicide, à la fois par les professionnels, mais aussi par les jardiniers amateurs. Cet herbicide dont la production est la plus importante au monde, est aussi le plus souvent retrouvé dans l'environnement. La semaine dernière, une étude avait même montré qu'il se retrouvait à l'état de traces dans les tampons hygiéniques !
Dès lors, on comprend aisément que la décision de l'EFSA était cruciale. Tout l'enjeu étant de s'opposer à une interdiction du glyphosate, une substance hyper stratégique dans le secteur de l'industrie agro-alimentaire. La Glyphosate Task Force, qui regroupe les grands groupes de l'agroindustrie comme Monsanto, s'est d'ailleurs félicitée des conclusions des scientifiques européens.
Après l'aspartame, le bisphénol A... Selon la procédure européenne, c'est l'Agence de l'alimentation allemande qui a été choisie pour évaluer au nom de l'Europe le glyphosate. Mais les défenseurs de l'environnement n'ont pas tardé à réagir, visiblement agacés par la composition de l'Institut allemand d'évaluation des risques (BfR). "Les assurances de sécurité sur le glyphosate émises par l'EFSA soulèvent de sérieuses questions sur son indépendance scientifique", a ainsi estimé Franziska Achterberg, en charge de la politique alimentaire dans l'UE chez Greenpeace. "Une bonne partie du rapport s'inspire directement d'études non publiées commandées par des producteurs de glyphosate. La preuve du préjudice est irréfutable mais l'EFSA défie l'agence sur le cancer (le CIRC) qui fait autorité dans le monde pour faire plaisir à des sociétés comme Monsanto", a-t-elle encore accusé dans un communiqué. Pour la vice-présidente du groupe Verts au Parlement européen Michèle Rivasi, "l'EFSA s'est basée sur les travaux de l'Institut allemand d'évaluation des risques (BfR) pour rendre son avis alors que les lacunes de ses travaux sont criantes tant le BfR a écarté des études essentielles qui ont démontré la toxicité du glyphosate."
Soulignant que "c'est la même agence qui continue de considérer que le bisphénol A peut être utilisé dans les biberons malgré des centaines d'études prouvant le contraire ou que l'aspartame n'est pas toxique sur la base d'études jamais publiées dans la littérature scientifique alors que d'autres études en montrent le caractère cancérogène", André Cicolella, Président de l'association Réseau environnement santé (RES) prône plus que jamais une réforme de l'EFSA, une agence qui "viole allègrement les fondements de la déontologie scientifique."