Ce que l'on sait de l'hypnose, une pratique prometteuse mais pas encadrée

L'hypnothérapie est de plus en plus plébiscitée, en alternative à l'anesthésie, mais aussi pour arrêter de fumer ou encore pour maigrir. Effet de mode ou réelle efficacité ? Des chercheurs de l'Inserm se sont penchés sur la question. Juliette Gueguen, qui a co-dirigé l'étude fait le point sur les bénéfices.

Ce que l'on sait de l'hypnose, une pratique prometteuse mais pas encadrée
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Efficace ou pas l'hypnose ? Dans un rapport remis au Ministère de la Santé, une équipe Inserm, dirigée par Bruno Falissard, dresse un état des connaissances sur l'utilité de l'hypnose dans le domaine médical. 52 essais cliniques ont ainsi été rigoureusement sélectionnés. "Parmi les nombreuses études consacrées à l’hypnose, nous n’avons conservé que les revues Cochrane et les études contrôlées randomisées [c’est-à-dire que les groupes comparés ont été tiré au sort, NDLR] et menées sur au moins 100 sujets", détaille Juliette Gueguen, chercheuse à l’Inserm et co-auteur de ce rapport présenté mardi.

Principale conclusion : l'hypnose présente un intérêt thérapeutique lorsqu'elle est utilisée lors d’anesthésies locales ou générales. Pour comprendre, il faut savoir que pendant une opération chirurgicale ou lors d’examens de radiologie interventionnelle (pose d’un cathéter pour administrer un médicament ou d’un stent lors d’une angiographie par exemple), l’action des sédatifs visant à endormir le patient est complétée par celle des antalgiques, qui limitent la douleur. Et là, les résultats concordent : grâce à l’hypnose, qui vient compléter l'anesthésie, on réduit la consommation de médicaments antalgiques et de sédatifs. "Même si, on a encore besoin d’études supplémentaires pour atteindre un niveau de preuve maximal, c’est clairement le domaine où nous avons trouvé le plus d’études convergentes", confirme Juliette Gueguen.

Les exploits se multiplient à l'hôpital. Ces résultats rassurants viennent donc confirmer l'utilité de voir se développer dans les hôpitaux Français des services de prise en charge de la douleur par l'hypnose. Comme à l'Institut Curie où une centaine d’interventions de chirurgie du cancer du sein ont déjà été pratiquées sous hypnose. A l’hôpital Saint-Joseph aussi, on opère sous hypnose afin d’éviter aux patients les lourdeurs de l’anesthésie générale et d’assurer une meilleure récupération post-opératoire. Utiliser l’hypnose pour mieux supporter la douleur ou pour diminuer l’inconfort psychologique lié à certaines interventions, c'est aussi une demande croissante de la part des malades. 

Hypnose et troubles digestifs. Reste qu'en dehors de la chirurgie, la pratique de l’hypnose est encore très hétérogène et peu (ou mal) étudiée. Difficile dans ces conditions d'en tirer une évaluation exhaustive. Finalement, les travaux menés par l'Inserm montrent que l'hypnose n'aurait un intérêt thérapeutique prouvé que dans la prise en charge du syndrôme du côlon irritable. Des séances régulières d’hypnothérapie limitant les symptômes digestifs, d'après les essais cliniques. "Tous les résultats convergent pour confirmer le bénéfice de l’hypnose, même si, là encore, le niveau de preuve maximal n’est pas atteint, modère Juliette Gueguen. Mais en tout cas, nous avons eu la chance de pouvoir nous appuyer sur de nombreuses études existantes sur ce sujet. Ce qui n’est pas le cas pour tous les domaines d’application de l’hypnose. Par exemple, l’évaluation de l’efficacité de l’hypnose dans la prise en charge des bouffées de chaleur s’est révélée décevante car nous n’avions qu’une seule étude fiable à étudier. On aimerait en avoir d’autres…" 

Arrêter de fumer avec l'hypnose ? En revanche, les études ne permettent pas de conclure au bénéfice de l’hypnose dans le cadre d'un sevrage tabagique ou d'une prise en charge psychologique. Pour l’heure, les données sont insuffisantes. "Mais absence de preuve ne signifie pas preuve d'absence d’efficacité", souligne Juliette Gueguen. "Nous n’avons pas d’argument pour déconseiller à quelqu’un d’entreprendre une telle démarche s’il est convaincu qu’elle lui convient. D’autant plus que côté sécurité, tous les voyants sont au vert : aucun effet indésirable grave ne paraît attribuable à l’hypnose." Il n’y a en somme pas de réelle contre-indication, même si de l’avis des professionnels de l’hypnose, les cas de psychiatrie sévère devraient éviter d’avoir recours à cette approche.

Hypnose, un médicament pas comme les autres. En outre, le Dr Gueguen ne cache pas les limites de l'exerice. Car évaluer l'utilité thérapeutique de l'hypnose, n'est pas aussi simple que de mener des études cliniques sur des médicaments. En effet, lorsqu'on évalue l’efficacité d’un nouveau médicament, on le compare toujours par rapport à un autre, déjà sur le marché, et moins cher, afin de décider si son efficacité est suffisante pour le rendre remboursable. Mais cette logique économique perd de son sens avec une approche thérapeutique telle que l’hypnose. "Faut-il chercher à savoir, comme on le fait avec la plupart des médicaments, si l’hypnose marche "mieux que". Ou au contraire, si elle fait "aussi bien que" ?" Au final, le travail des chercheurs démontre les limites de l’évaluation de l’hypnose, mais aussi la nécessité de revoir les protocoles de recherche. "Il y a des outils à trouver pour mieux comparer les formes de prise en charge entre elles"

Accouchement : et si on développait l’hypnose ? Pour l'heure, le travail des chercheurs de l'Inserm ouvre sans doute de nouvelles perspectives de soins. Le cas de la prise en charge de la douleur pendant l’accouchement est ainsi révélateur. Certes, l’étude de l’Inserm n’a pas conclu à un intérêt de l’hypnose, comparativement aux techniques habituelles enseignées lors des cours de préparation à la naissance, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne présente pas une approche à développer. "Lorsque l’hypnose est utilisée comme moyen de sédation en chirurgie, l’anesthésiste est présent tout au long de l’intervention auprès du patient afin de maintenir l’anesthésie. Or, dans les études que nous avons sélectionnées, l’hypnose était induite par la femme elle-même, suite à une formation d’auto-hypnose pendant la grossesse. Elle pouvait donc l’utiliser, si besoin. Mais était-elle suffisamment formée, suffisamment accompagnée… ?", expose ainsi Juliette Gueguen. On peut dès lors supposer que si les sages-femmes soient formées à l’hypnose afin d’accompagner les femmes enceintes tout au long de l’accouchement, comme c’est le cas dans le cadre d’une intervention chirurgicale, les résultats seraient différents. L’idée n’étant pas là de se passer de péridurale, mais bien de donner de nouvelles billes aux femmes pour qu’elles puissent vivre un accouchement plus serein… "Une hypothèse est que dans le cadre de certains gestes médicaux douloureux, l’utilisation de l’hypnose en complément des méthodes habituelles, ne rendrait pas l’acte moins douloureux, mais qu’en revanche, les patients en sortiraient moins traumatisés…"

Hypnose : à quand des garde-fous ? Au-delà de l’évaluation thérapeutique de l’hypnose, le rapport met en garde sur le titre d'hypnothérapeute qui n'est pas protégé en France, et que "n'importe qui peut s'attribuer". Certes, il existe des chartes éthiques utilisées par une partie de la profession, mais la législation en France est toujours vague : l’hypnose peut être proposée par le personnel médical, comme par des non professionnels de santé. "Et on n’a pas vraiment d’état des lieux ou d’enquête exhaustive sur la pratique de l’hypnose en France, déplore Juliette Gueguen. Certes, les principaux représentants des professionnels de l’hypnose, nous ont communiqué des données relatives au nombre de personnes formées, mais ces derniers font déjà un tri puisqu’ils n’autorisent que les professions médicales et para-médicales. Quant aux autres, ils ne nous ont jamais répondu..."