Electrosensibilité : une première victoire judiciaire
C’est une première en France : la justice a reconnu l'existence d'un handicap grave dû à l'hypersensibilité aux champs électromagnétiques.
Bien que téléphones portables et wifi nous facilitent la vie, leurs champs électromagnétiques, désormais omniprésents, suscitent certaines inquiétudes quant aux éventuels risques pour notre santé. Les personnes se déclarant "hypersensibles" citent souvent les antennes-relais, portables, téléphones sans fil ou wifi comme causes directes de leurs maux. Elles décrivent des symptômes variés : rougeurs, picotements, maux de tête, fatigue, étourdissements, nausées, palpitations cardiaques, etc. Mais le principal problème, c'est que leur qualité de vie, dans les cas les plus lourds, est profondément affectée et peut mener à une désocialisation. Et jusqu’à présent, les personnes atteintes d'électrohypersensibilité (HES) avaient du mal à se faire entendre.
Début juillet, un jugement du Tribunal du contentieux de l'incapacité de Toulouse confirme, expertise médicale à l'appui, que Marine Richard, la plaignante, souffre d'un syndrome dont "la description des signes cliniques est irréfutable". Mais c’est mardi dernier, lorsque l’association militante anti technologies sans fil, Robien des Toits, a transmis le jugement à l’AFP, que l’affaire a été médiatisée.
Quelles sont les conclusions du jugement ? La déficience fonctionnelle de Marine Richard a été évaluée à 85 %, de sorte qu’elle est dans l’incapacité de travailler. Aussi, la justice lui accorde le droit à une allocation pour adulte handicapé - environ 800 euros par mois - pour trois ans, éventuellement renouvelable.
Soulagement du côté des associations d’électrosensibles. Du côté des associations, qui soutiennent depuis quelques années les personnes électrosensibles alors que leur état n’est pas considéré comme une maladie, c’est une étape qui a donc été franchie. "Cette reconnaissance par la justice est une grande première en France", a ainsi commenté à l'AFP Etienne Cendrier, porte-parole de Robin des Toits. La plaignante de 39 ans, qui vit dans la précarité, recluse dans les montagnes de l’Ariège, sans électricité, ni route, ni eau courante –afin d’éviter les nombreux symptômes dont elle souffre– et qui se bat pour la reconnaissance de son handicap, a évoqué pour sa part "une percée". L'avocate de Mme Richard, Alice Terrasse, estime que cette victoire pourrait faire jurisprudence car "des milliers de personnes" sont concernées mais n'ont pas saisi les tribunaux jusqu'à aujourd'hui.
Côté médical : le doute persiste. Pour l’heure, même si cette victoire judiciaire est un premier pas pour la reconnaissance de l'hypersensibilité aux ondes magnétiques, reste que celle-ci n'est pas reconnue officiellement en France comme maladie et fait l'objet de controverses entre experts. Depuis 2005, l’OMS reconnait la réalité des symptômes décrits ainsi que leur caractère handicapant pour l’individu touché. Toutefois, elle précise qu’il n’existe à ce jour aucun critère diagnostic clair et d’étude scientifique permettant de faire le lien entre ces symptômes et l’exposition aux ondes. Aussi, conseille-t-elle aux médecins de tenter d’identifier toute autre pathologie ou contexte (pollution de l’air en milieu professionnel, pollution sonore, etc.) qui pourrait donner les mêmes symptômes, mais aussi d’évaluer psychologiquement le patient.
Enjeux politiques et commerciaux. Selon Etienne Cendrier, de Robin des Toits, la décision de Toulouse montre que "la justice - comme souvent - est en avance sur les politiques", qu'il accuse de "protéger les industriels". Marine Richard plaide de son côté pour un abaissement des seuils de toxicité des champs électromagnétiques. "On sait faire des technologies beaucoup moins polluantes. Après, c'est un choix politique", dit-elle. Dans une société où téléphone mobile et wifi sont toujours plus envahissants, c’est en effet un dossier très sensible, qui en plus de toucher à l'industrie du téléphone mobile, constitue un marché, lié au développement de moyens de protections contre les ondes. Car entre les bandeaux de grossesse censés protégés les femmes enceintes et les patchs anti-ondes à coller sur les téléphones mobile, on trouve de tout dans ce domaine, et notamment sur Internet. Mais en l’absence de réglementation, impossible de savoir s’ils sont vraiment efficaces…