Le vaccin sans aiguille, ni adjuvant : c'est elle !

Une nouvelle forme de vaccin vient d'être mise au point. Sandrine Henri revient avec passion sur les travaux prometteurs qu'elle a menés au sein de son équipe Inserm. Et sur son parcours de femme scientifique.

Le vaccin sans aiguille, ni adjuvant : c'est elle !
© Sandrine Henri

C'est aux Etat-Unis que nous avons contacté la chercheuse en immunologie, Sandrine Henri. Elle s'y est installé pour un an afin de participer à un projet de recherche sur un vaccin contre le staphylocoque doré, une bactérie très résistante aux antibiotiques. "Pour moi, c'est aussi l'occasion de développer une nouvelle expertise sur les cellules de la peau", raconte cette chercheuse rattachée au Centre d'immunologie de Marseille (Inserm), dirigé par Bernard Malissen. Car les cellules de la peau, c’est la spécialité de Sandrine Henri. "J’ai commencé à étudier les cellules dendritiques en Australie à Melbourne où je faisais mon post-doc, se souvient-t-elle. C’était il y a plus de dix ans, mais par la suite j’ai continué à m’y intéresser… ".

Cellules dendritiques © Inserm

Cellules dendritiques. C’est justement grâce à ces cellules que l'équipe Inserm, dont elle fait partie, est parvenue à vacciner des souris contre le mélanome. Le principe de cette technique de vaccination innovante ? Plutôt que d’injecter le vaccin avec une aiguille dans les tissus musculaires, la solution vaccinale est déposée localement à la surface de la peau. Une fois qu'elle a pénétré dans le derme, elle est capable de cibler les cellules dendritiques qui y sont très nombreuses. "Ces cellules donnent alors un signal d’alerte aux lymphocytes T pour qu'ils activent le mécanisme de l'inflammation", décrit Sandrine Henri. Permettant ainsi de booster la réponse immunitaire, et donc d'améliorer l'efficacité du vaccin, un rôle habituellement joué par les adjuvants. Ainsi, "nous avons une preuve de principe qui montre que si le vaccin cible les cellules dendritiques, on peut obtenir une réponse aussi forte qu’avec des adjuvants."

Mais ce résultat très prometteur n’est pas arrivé en un jour, tient à préciser Sandrine Henri. "Lorsque nous avons réalisé en 2007 tout le potentiel que pouvaient avoir les cellules dendritiques pour induire une immunité, nous avons fait la relation avec les résultats d’une équipe norvégienne, qui travaillait justement sur des molécules capables de les cibler. Par la suite, on a pu prendre en compte des travaux d’une autre équipe, basée au Lichtenchtein, qui travaillait sur un laser capable de générer des micropores à la surface de la peau, décrit la chercheuse. C’est grâce à ces trois expertises, que nous avons obtenu ces bons résultats."

Bientôt un vaccin sans aiguille testé sur l’Homme ?

Le vaccin a montré son efficacité en prévention et en thérapie sur des souris atteintes de mélanome. Mais "on peut imaginer de l’appliquer à d’autres types de vaccination, notamment contre les agents bactériens ou viraux", informe l’Inserm dans un communiqué publié sur son site le 8 juin dernier.

Sandrine Henri
Chargée de recherche Inserm © DR

La suite ? A priori, le procédé pourrait "facilement" être transféré chez l’Homme. En effet, on y retrouve les mêmes cellules dendritiques et la formule vaccinale pourrait être développée facilement. "Quant au laser, il est d'ores et déjà utilisé dans d'autres domaines, donc ce n’est pas un problème", estime Sandrine Henri. Les laboratoires pharmaceutiques auraient même déjà manifesté leur intérêt pour ce nouveau procédé vaccinal. "Ils sont déjà conscients qu'en ciblant les cellules dendritiques, on peut améliorer la vaccination. Pour eux, cela ouvre des perspectives quant à la commercialisation de vaccins sans adjuvant, ce qui limiterait les coûts de production, mais surtout les effets secondaires." Pour l’heure, il n’y a encore rien de concret en termes de financement d’essais cliniques, mais "l’Inserm a déjà été contacté", confirme la chercheuse. Si cela se concrétise, les essais prendront néanmoins plusieurs années. "Mais c’est encourageant !"

La biologie, sa vocation. En attendant, Sandrine Henri poursuit son chemin, des projets scientifiques plein la tête. "C'est un métier où l’on ne s’ennuie pas et où l'on développe sans cesse de nouvelles compétences", décrit-t-elle. La routine ? "Je ne connais pas ! A tout moment, on peut changer de thématique, de direction… Chaque jour, une nouvelle porte peut s’ouvrir !"

Car pour cette femme de 44 ans, la recherche est une vocation dont elle est a pris conscience très tôt. "J’ai eu le déclic au collège en classe de 3e. Lorsque mon professeur de biologie est arrivé au chapitre de l'hérédité, il nous a parlé des groupes sanguins rares. Comme c'était justement mon cas, j'ai évidemment voulu en savoir plus... et mené mon enquête. A partir de là, je n'ai plus lâché !" Bac scientifique, thèse en immunologie à Marseille, post-doc en Australie...  Avant d'entrer à l'Inserm en 2007. Une brillante carrière donc. Qui lui prend aussi beaucoup de son temps et toute son énergie. Mais n'imaginez pas cette chercheuse isolée derrière sa paillasse et coupée du monde. "Oui c'est vrai, la recherche est un métier chronophage, je travaille douze heure par jour… Et en même temps, c’est tellement passionnant. Je voyage, je participe à des congrès, je rencontre d’autres équipes scientifiques, j'ai un réseau international… Et puis j’aime vraiment cette idée de partager les connaissances, tant par ce que j'apprends que par ce que je peux transmettre aux jeunes qui arrivent... C'est ce passage de relais qui me plait beaucoup. On apprend des autres et on apprend aux autres. C’est un métier profondément humain !"

"J'aime cette idée de transmettre des connaissances"

Un regret ? "Mon travail me passionne énormément mais j’ai peut-être laissé les choses se faire, sans oser demander davantage de responsabilités..." Pour autant, la chercheuse se défend d’avoir rencontré des difficultés en tant que femme. "La recherche n’est pas fermée, il y a énormément de femmes scientifiques, en France, mais aussi à l’étranger. Le problème, c’est qu’elles n’accèdent pas autant que les hommes aux postes à responsabilités. Et cela n'est pas spécifique à la recherche, cela se retrouve dans bien d’autres domaines. Très souvent, les femmes sont aussi compétentes que les hommes, mais elles manquent de confiance en elles. Elles osent moins..."