Pourquoi il faut dépister davantage l'hépatite C ?
75 000 personnes sont infectées par l'hépatite C mais l'ignorent, estime l’Institut de veille sanitaire dans son dernier bulletin épidémiologique. L’occasion de revenir sur le dépistage de cette maladie chronique, qui dispose aujourd’hui de traitements efficaces.
Selon les derniers chiffres, issus d’une étude publiée mardi dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'Institut de veille sanitaire (InVS), le nombre de personnes qui ignorent qu’elles sont porteuses du virus de l’hépatite C est en baisse. En effet, parmi les 230 000 personnes infectées de façon chronique par le virus de l'hépatite C en 2004, un peu plus de 100 000, soit 43,4% n'étaient pas diagnostiquées. En 2014, ce nombre est tombé à 75 000 environ parmi les 18-80 ans, selon la dernière estimation. Toutefois, malgré cette baisse observée sur 10 ans, le nombre de personnes non diagnostiquées demeure élevé, soulignent les auteurs de l’étude.
Autre point souligné par l’InVS, la majorité des personnes non diagnostiquées en 2014 sont des hommes. Cela conforte la recommandation faite dans un rapport de 2014 sur la prise en charge des hépatites B et C, remis à la ministre de la santé, Marisol Touraine, et "qui devrait maintenant être appliquée", écrit dans le BEH, le Pr Daniel Dhumeaux qui en avait assuré la coordination. En effet, le rapport proposait d'élargir le dépistage en effectuant un dépistage simultané pour les hépatites C et B, ainsi que pour le VIH, aux hommes âgés de 18 à 60 ans, au moins une fois au cours de leur vie, en complément des dépistages ciblées (usagers de drogues intraveineuses, etc.). En outre, l’intensification des dépistages ciblés, s’aidant de nouveaux outils de dépistage rapide, les Trod, semble justifiée.
Aujourd’hui, on peut guérir de l’hépatite C. Si le dépistage est si crucial, c’est parce qu’il n’existe aucun vaccin contre l’hépatite C, au contraire de l’hépatite B. En revanche, on dispose aujourd’hui de traitements effiaces grâce à l’arrivée récente depuis 2013 d’une vingtaine de molécules "révolutionnaires". Ces médicaments sont disponibles sous la forme d'un unique comprimé à prendre pendant trois mois seulement. Ils sont de plus très bien tolérés par les patients, contrairement aux anciens médicaments à base d'interféron, connus pour leurs effets secondaires particulièrement lourds pour les patients. Enfin, et à l'inverse des traitements contre l'hépatite B et le VIH, qui se contentent "d'endormir" les virus, ces médicaments présentent l'intérêt de détruire de manière irréversible le virus de l'hépatite C. " Il n'existe aucune autre infection chronique pouvant mener au cancer du foie et que l'on a la possibilité d'éliminer en si peu de temps. C'est une première médicale !", avait ainsi souligné le docteur Raphael Esteban, hépatologue à l'hôpital Vall-d'Hebron (Barcelone), à l'occasion du congrès international annuel des hépatologues, qui se tenait à Paris les 12 et 13 janvier.
Hépatite C : tout le monde peut être concerné. Mais pour accéder à ces traitements, encore faut-il que les patients soient diagnostiqués. Car rappelons-le, l'hépatite C est ce qu'on appelle une maladie "silencieuse" : elle évolue pendant de nombreuses années sans donner de signe particulier. Il est donc possible d’ignorer son statut pendant plusieurs années. Et le problème, c'est que lorsqu’elle est dépistée en phase terminale, l'hépatite C peut mener à de graves complications : cirrhose, transplantation hépatique, cancer du foie, etc. "La plupart du temps, les patients que je rencontre sont des personnes lambda, contaminées il y a des années lorsque les conditions d'asepsie n'étaient pas sécurisées, par transfusion, à l'occasion de soins dentaires ou encore à la suite de la pose de boucles d'oreilles...", avait expliqué le Pr Patrick Marcellin, en janvier dernier.