Biobanques : quand les patients participent à la recherche médicale
Fondée en 2000, l’infrastructure Biobanques rassemble des échantillons (sang, cellules, ADN…) de patients hospitalisés. Des collections au service de la recherche médicale.
Lors d’un séjour à l’hôpital, vos prises de sang pourraient bien contribuer aux progrès de la recherche médicale. C’est le principe des Biobanques, une infrastructure fondée en 2000 qui regroupe à l’heure actuelle 84 Centres de Ressources Biologiques (CRB). Ces derniers rassemblent et stockent des collections d’échantillons (sang, cellules tumorales, tissus cérébraux, urine, ADN, moelle épinière…) récupérés dans des hôpitaux. Ces échantillons sont prélevés dans le cadre des analyses liées à la maladie du patient : ce qui est transmis aux Biobanques est en réalité ce qu’il reste d’un prélèvement après une analyse biologique ou après une intervention chirurgicale.
Pas question de le faire dans le dos du patient : celui-ci est informé et signe un consentement s’il est volontaire. L’intérêt de ces banques : mettre à la disposition des scientifiques des échantillons de bonne qualité en grande quantité pour améliorer les connaissances sur une maladie donnée et développer des traitements efficaces. Ainsi, plus de 700 équipes en France utilisent actuellement ces collections biologiques pour des études portant sur des maladies telles que cancer, sclérose en plaque, maladie d’Alzheimer ou encore troubles psychiatriques. Or, "pour obtenir des résultats significatifs et pour qu’une étude soit valable, il faut plusieurs milliers d’échantillons !", précise Georges Dagher, directeur de l’infrastructure Biobanques. Le besoin en échantillons variés est donc important.
Un devenir anonyme. "Il est important de signaler que les chercheurs ne sont pas en mesure d’établir de lien entre l’identité du patient et l’échantillon" souligne Marie-Odile Krebs, professeur de psychiatrie à la Faculté de Médecine Paris Descartes, praticienne au centre hospitalier Sainte-Anne à Paris. Un retour sur les résultats reste donc souvent difficile, voire impossible car seul le médecin du patient a accès à l’identité et au dossier médical de ce dernier. "Mais si les chercheurs trouvent quelque chose d’utile sur une maladie à composante génétique par exemple, faut-il oui ou non informer le patient ou sa famille ?", s’interroge Georges Dagher. Ce débat éthique reste ouvert.
De l’espoir pour les maladies psychiatriques. "Les trois premières maladies sources d’handicap sociétal sont des maladies psychiatriques et concernent une personne sur cinq !", constate Marie-Odile Krebs. Une recherche en psychiatrie apparaît donc comme essentielle. Celle-ci s’appuie sur un besoin accru en données : échantillons sanguins, imagerie cérébrale, description des symptômes… Autant d’informations utiles à l’identification de biomarqueurs : des mesures biologiques simples capables de diagnostiquer ou de prédire une maladie ou son évolution. Pour cela, en psychiatrie, les chercheurs sont intéressés par les premiers échantillons sanguins d’un patient hospitalisé avant que celui-ci ne reçoive un premier traitement. Mais cela se révèle complexe car "lorsqu’un patient arrive en hôpital psychiatrique, c’est souvent sous contrainte et dans des circonstances critiques", déplore la psychiatre. "De même, les circonstances du décès d’un patient en psychiatrie (suicide, accident…) sont souvent délicates et peu propices à la demande de prélèvement du cerveau."
Et le cerveau n’intéresse pas que les chercheurs en psychiatrie… Le Groupement d’Intérêt Economique (GIE) Neuro-CEB, fondé en 2006 sur une initiative des associations France Alzheimer et France Parkinson conserve actuellement 460 demi-cerveaux dans ses locaux de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière de Paris. Issus de patients atteints de maladie d’Alzheimer, de maladie de Parkinson, de sclérose en plaques et de maladies du cervelet, ces fragments de cerveaux participent quotidiennement à enrichir les connaissances médicales.
À terme, tout échantillon utilisé de la sorte dans la recherche biomédicale constitue donc une source d’innovation pour la société. Ainsi, c’est par exemple grâce aux données des Biobanques que Paul Hofman, professeur en analyse des cellules au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Nice a mis en place en 2014 une méthode de dépistage précoce du cancer du poumon par une simple prise de sang pour les patients à risque.