Particules de diesel : des impacts sur notre foie ?
Une étude menée par l’Inserm associe particules fines de diesel et santé de notre foie. De quoi relancer le débat sur ce carburant controversé.
Une ballade en centre-ville pourrait altérer les cellules de votre foie. Pourquoi ? À cause des expositions aux particules fines de diesel qui affecteraient les capacités détoxifiantes de cet organe. C’est ce que démontre une étude menée par l’équipe du Professeur Olivier Fardel de l’Institut de recherche sur la Santé, l’Environnement et le Travail (Inserm de Rennes) parue le 24 mars 2015 dans la revue scientifique américaine Plos One. Ces chercheurs ont utilisé des cellules humaines de foie en culture in vitro. Ils les ont alors exposées à des particules fines de diesel, identiques à celles issues des pots d’échappement et dans des concentrations similaires à celles d’un environnement urbain pollué. Les résultats sont sans appel : après exposition à des particules fines de diesel, les cellules hépatiques montrent une efficacité moindre à transporter les déchets d’origine externe (graisse, alcool, médicaments...) ou produits naturellement par l’organisme. En effet, le foie est un véritable filtre de notre organisme : il trie, transforme et élimine les déchets. C'est pourquoi, si ces résultats sont démontrés in vivo, les conséquences sur la santé pourraient être inquiétantes, notamment en termes d’accumulation de déchets toxiques dans l’organisme.
Un impact sur la santé déjà constaté. Des études antérieures ont montré une implication des particules fines de diesel dans les maladies respiratoires telles que l’asthme et les cancers du poumon. Plus surprenant : le taux de ces particules pourrait être corrélé à des troubles neurologiques tels que l’autisme, aux maladies cardio-vasculaires ou encore aux faibles poids des nouveau-nés. De plus, depuis juin 2012, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a reconnu le diesel comme cancérigène. Pourtant, depuis, peu de mesures ont été prises pour limiter l’usage de ce carburant. Cette nouvelle étude centrée sur le foie ravive donc le débat sur la toxicité du diesel et l’urgence des mesures à prendre.
Mais à quoi ressemblent ces particules ? Les particules fines de diesel mesurent moins de 2,5 micromètres (environ 30 fois plus petit que l’épaisseur d’un cheveu !) et contribuent aux pics de pollution que connaissent régulièrement les grandes villes. Elles proviennent principalement de la circulation automobile (véhicules particuliers, bus et poids lourds).
Un peu d’histoire. Tout commence à l’après-guerre lorsque le gouvernement français applique une taxation plus favorable au diesel qu’à l’essence. La raison de cette disposition : relancer l’économie agricole et commerciale car, à cette époque, seuls les tracteurs et les véhicules de transports routiers roulent au diesel. L’industrie automobile saisit l'opportunité, et commence à produire des véhicules équipés de moteur diesel. Ces derniers deviennent peu à peu un emblème du "made in France", bénéficiant alors d’un soutien de la part de l’État français. Ainsi, en 2014, selon le Comité des Constructeurs Français d’Automobile (CCFA), le parc automobile français comprenait 62 % de véhicules diesel, contre seulement 15 % en 1990. L’avantage mis en avant pendant ces nombreuses années réside dans la diminution de production de dioxyde de carbone (le CO2, gaz à effet de serre) par rapport à l’essence. Et même si ces voitures sont plus chères à l’achat, la plus faible taxation du diesel permet un amortissement plus rapide du coût. Mais en contre-partie : ils dégagent ces fameuses particules fines. C’est pourquoi en 2000, les filtres à particules émergent. Cependant une forte controverse existe encore aujourd’hui quant à leur efficacité, opposant régulièrement scientifiques et industriels.
Quelles actions en matière de politique ? Devant les recommandations de l’OMS et le nombre croissant des études scientifiques sans équivoque à l’égard de la nocivité du diesel, le Sénat propose en 2014 une loi visant à taxer les véhicules roulant au diesel. Ces mesures sont actuellement toujours en discussion mais ouvrent une fenêtre sur la prise en compte des problèmes sanitaires liés au diesel dans la politique française. En parallèle, pour la ville de Paris, la maire Anne Hidalgo souhaite interdire d’ici 2020 la circulation aux véhicules diesel à l’intérieur de la capitale. Pourtant, fin 2013, pas moins de 300 nouveaux bus diesel ont été commandés par le Syndicat des Transports d’Ile de France (Stif). Une transition écologique qui semble donc encore délicate à mettre en œuvre… Affaire à suivre !
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