Le test de dépistage précoce du cancer du poumon bientôt financé par l'Etat ?
La découverte d'un test de dépistage précoce du cancer du poumon a récemment suscité beaucoup d'espoir. Sauf que pour aller plus loin et confirmer ces bons résultats à plus grande échelle, les chercheurs ont besoin d'être financés. Nous avons interrogé le Professeur Sigaux, Directeur de la Recherche et de l'Innovation à l'Inca.
En novembre dernier, une équipe de chercheurs Inserm à Nice emmenée par le professeur Paul Hofman a franchi une étape dans le dépistage du cancer du poumon en montrant l'efficacité d'un test de dépistage précoce. Son principe : dépister la présence de cellules tumorales par une simple prise de sang, jusqu'à 4 ans avant qu'un cancer ne puisse être diagnostiqué par imagerie. Conçu par la chercheuse Patrizia Paterlini-Bréchot, c'est le Professeur Paul Hofman qui le premier a su percevoir la grande sensibilité de ce test (Iset) et qui a eu l'idée de l'utiliser sur des patients à risque (fumeurs et souffrant de BPCO). Dès la publication de l'article dans la revue médicale Plos One, la première mondiale a fait couler beaucoup d'encre. Malgré l'attente et l'espoir suscités, Paul Hofman se montrait pourtant prudent. Restait en effet à valider les bons résultats et étendre l'étude à un plus grand nombre de patients et à d'autres centres de recherche. Mais très vite, le chercheur niçois n'avait pas caché sa déception : "Il faut valider ces bons résultats mais je n'ai pas de financement pour continuer... Même s'il y a eu ce communiqué et que les médias ont largement diffusé l'information, je n'ai pas été contacté par des sources de financement potentielles. Donc je suis bloqué et j'ai bien peur que d'autres équipes s'emparent du projet, notamment en Amérique du Nord."
L'Institut national du cancer (Inca) a suivi de près cette étude. Son directeur de la Recherche et de l'Innovation, le Pr François Sigaux, a répondu à nos questions.
Que pensez-vous de l'étude de Paul Hofman ?
Professeur François Sigaux : Le cancer du poumon est une des maladies les plus terribles et tout l'intérêt est de pouvoir opérer les patients le plus tôt possible. Et pour cela, il est intéressant de pouvoir les dépister précocement. Jusqu'à présent, plusieurs études utilisant l'imagerie, notamment la radiologie et les techniques avec scanners, y compris outre-Atlantique, ont montré l'amélioration de la survie des patients à grande échelle (55 000 patients). Le problème, c'est qu'on a beaucoup de faux positifs avec l'imagerie.
Dans ce contexte, d'autres études sont développées pour avoir d'autres approches. Et effectivement le travail de Paul Hofman est intéressant même s'il s'agit d'une étude préliminaire. Pour confirmer ces résultats, il faudrait mener l'étude à plus grande échelle. On est donc loin de dire que cela pourrait constituer une stratégie de dépistage, mais c'est intéressant.
Paul Hofman craint de ne pouvoir continuer ses recherches s'il n'obtient pas de financement... Est-ce que son étude suscite l'intérêt de l'Inca ?
La lutte contre le tabac et contre les cancers liés au tabac est une priorité de l'Inca. En 2015, nous allons en particulier axer nos actions sur la compréhension des campagnes de prévention et tenter de comprendre pourquoi les gens continuent à fumer. Nous allons de plus mettre la priorité sur le dépistage précoce des cancers et lancer un appel d'offre. Donc dans ce contexte, j'encourage Paul Hofman à présenter son projet. Les projets de qualité seront financés.
Comprenez-vous néanmoins son impatience, ainsi que celle des patients ?
Je comprends l'impatience du professeur Hofman mais nous ne pouvons pas financer une étude parce qu'elle est médiatisée. Mais encore une fois, cette étude est intéressante, l'Inca y a été attentif. Tout ce que je peux dire, c'est que c'est une bonne nouvelle, étant donné le contexte actuel qui donne la priorité au tabac et qui prévoit des financements.