Vers une légalisation de l'euthanasie ?

La conférence de citoyens sur la fin de vie réunie par l'institut Ipsos sur la demande de François Hollande, a préconisé lundi "la légalisation du suicide médicalement assiste". Explications.

Vers une légalisation de l'euthanasie ?
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Les 18 citoyens réunis pour débattre du délicat sujet de la fin de vie se sont prononcés pour une légalisation de l'euthanasie, voire du suicide assisté. "La possibilité de se suicider par assistance médicale constitue, à nos yeux, un droit légitime du patient en fin de vie, ou souffrant d'une pathologie irréversible, reposant avant tout sur un consentement éclairé et sa pleine conscience", expliquent les auteurs de cet avis.
Le comité consultatif d'éthique (CCNE) avait lui-même préconisé ce débat citoyen lorsqu'il avait remis en juillet dernier un rapport sur la fin de vie commandé par François Hollande. Rapport qui se prononçait contre la légalisation de l'assistance au suicide. Reprenant ainsi la loi Léonetti de 2005 relative aux droits des malades en fin de vie, qui stipule un arrêt des traitements ou le refus de l'acharnement thérapeutique pour les malades en fin de vie, mais ne légalise pas l'euthanasie. En d'autres termes, la loi autorise le "laisser mourir", par exemple le fait de débrancher un appareil vital et de ne pas obliger un patient à recevoir des traitements s'il ne le souhaite pas. Dans la réalité, la frontière est très mince entre euthanasie et fin de vie, nous explique Marie, infirmière à l'Assistance publique des hôpitaux de Paris. "Dans ma pratique je n'ai jamais été confrontée à des cas d'euthanasie active. En revanche, l'euthanasie passive se pratique quotidiennement, notamment par injection de sédatifs, comme la morphine". Benoît, interne dans un service de gastro-entérologie parisien, confirme que les soignants ont la possibilité dans le cadre des soins de confort d'avoir recours à des drogues pour diminuer la douleur et l'angoisse des patients. Même s'il est interdit de provoquer la mort des patients, on peut être amené à augmenter les doses pour leur bien-être, ce qui peut provoquer le décès des patients. Mais tout cela se fait de façon encadrée, dans le cadre d'une prise en charge pluridisciplinaire après avis de l'équipe médicale, du patient et des familles, nuance-t-il. "Le terme d'euthanasie n'est pas toujours bien compris. Il y a cette idée de donner la mort. En réalité, on soulage avant tout la souffrance des malades en fin de vie. On accélère un processus qui surviendrait de toute façon". Alors légaliser ou pas ? "C'est une démarche légitime à ceci près que cela demande de légiférer pour des patients particuliers. Chaque cas est différent", note l'interne.

Par ailleurs, le conseil consultatif d'éthique avait souligné dans son rapport de juillet 2013 que la parole et la volonté des personnes n'étaient pas suffisamment prises en compte. Il avait annoncé vouloir renforcer les directives anticipées, c'est-à-dire la possibilité de pouvoir dire de façon anticipée son souhait de ne pas continuer à être réanimé. "Beaucoup de choses ont changé depuis la mise en place des directives anticipées, nous explique Benoît. Lorsque le patient et le médecin jugent que c'est possible, on peut décider d'arrêter les soins. Bien sûr, si le patient n'est pas en état de de prendre l'initiative, il peut désigner une personne de confiance à sa place. Quoi qu'il arrive, la décision est toujours prise après avis d'une équipe pluridisciplinaire qui comprend des médecins, des psychologues, etc." 

Enfin, le débat autour de l'euthanasie pose aussi la question de l'accès aux soins palliatifs en France. Ils se développent de plus en plus. A l'AP-HP par exemple, il existe même, en plus des services de soins palliatifs, un service de soins palliatifs mobile qui se déplace donc directement dans les services des hôpitaux. Reste qu'il persiste des disparités selon les régions et les moyens financiers des établissements de santé. 

Cet avis consultatif, qui rompt avec la loi Leonetti de 2005, pourrait inspirer le gouvernement. L'Elysée a promis un projet de loi "avant la fin de l'année". A suivre.