Connaissez-vous les bons gestes en cas de crise d'asthme ?
Chaque année, elles conduisent à 900 décès. Il ne faut jamais tenter de venir à l'hôpital par ses propres moyens, alertent pneumologues et urgentistes à l'occasion de la semaine nationale de l'asthme.
"900 asthmatiques meurent chaque année en France, déplore le Pr Nicolas Roche*, pneumologue à l'hôpital Cochin (Paris) et Président de la Société Française de Pneumologie. Pour une pathologie qui devrait être bénigne et compte tenu des traitements dont nous disposons, c'est inacceptable !" Alors, comment expliquer ce déficit de prise charge ? Plusieurs problèmes se posent, selon le pneumologue. Non seulement, une partie des patients asthmatiques ne sont pas diagnostiqués, mais en plus quand ils le sont, leur asthme est mal évalué et mal contrôlé. En outre, on observe une mauvaise observance des traitements et des retards de réaction en cas de crise sévère. "Les patients s'habituent à mal respirer et sous-estiment les symptômes", confirme Christine Rolland, la Présidente de l'association Asthme et Allergies. Si l'acceptation de la maladie est difficile, les patients ne sont néanmoins pas les uniques responsables : le problème vient également des soignants, qui minimisent eux aussi la pathologie asthmatique.
Et cela peut mener à des situations dramatiques dont l'issue peut malheureusement être fatale. Laurence Meyer, a créé l'association Dove United suite au décès par crise d'asthme de son fils David, à seulement 27 ans. "Cela s'est passé l'été 2006, il faisait très chaud, l'air était pollué, il venait de terminer son déménagement, se souvient-t-elle. Il était asthmatique et avait toujours avec lui les produits lui permettant de mener une vie normale, aucun sport ne lui était interdit." En somme, il menait une vie normale. Avant cette journée, il n'avait jamais fait de crise sévère. "J'étais sur mon lieu de travail et comme je trouvais qu'il respirait mal, je lui ai dit d'appeler un service médical d'urgences. Il a suivi les recommandations du médecin régulateur et a augmenté les doses de son bronchodilatateur. Peu après, sur les conseils d'un ami médecin, voyant que son état ne s'améliorait pas, j'ai finalement décidé d'aller le retrouver pour l'emmener aux urgences. Mais plutôt que de les appeler, j'ai préféré m'y rendre en voiture, pensant bien faire. C'était une erreur. Pris dans des embouteillages, et son état s'aggravant, je me suis arrêtée en cours de route chez les pompiers. Autre erreur : c'était une perte de temps puisque les pompiers ne disposant pas du matériel nécessaire ont appelé le SAMU. Quand ils sont arrivés, 15 minutes après, c'était trop tard, il est décédé en très peu de temps."
En France, 4 millions de personnes sont asthmatiques, soit 10 % de la population globale et 15% des enfants. Chaque année, 200 000 asthmatiques passent aux urgences dont la moitié restent hospitalisés. |
Difficultés pour respirer, pour parler, inefficacité de la Ventoline... Faire le 15 immédiatement
L'asthme est une maladie respiratoire chronique due à une inflammation des bronches. Elle se caractérise par des épisodes de gêne respiratoire (essoufflement), de respiration sifflante, de toux sèche ou de sensation d'oppression dans la poitrine. De temps en temps, une crise peut survenir de manière inhabituelle. Les malades et l'entourage, parfois aussi les médecins, pensent à tort, que la crise est passagère. En réalité, il s'agit d'une urgence vitale, susceptible de mettre la vie en danger. Selon les données épidémiologiques, des pics d'hospitalisation sont observés à deux périodes de l'année, un pendant la période automno-hivernale et l'autre pendant la période des pollens. Tous les asthmatiques, quel que soit le degré de sévérité de leur asthme sont susceptibles d'être confronté à une crise d'asthme. Deux cas de figures peuvent se présenter : soit la crise survient brutalement, soit elle fait suite à une période de plusieurs jours pendant lesquels l'état de l'asthmatique s'est progressivement aggravé. Le résultat est le même : les bronches sont tellement enflammées que l'asthmatique ne parvient plus à respirer efficacement. Concrètement, l'air ne passe plus, ce qui entraîne un effort intense pour inspirer et expirer. "Plus on agit tôt, moins l'état va s'aggraver et plus la prise en charge sera efficace", insiste le Dr Gilles Mangiapan, pneumologue à l'hôpital de Mondor (Créteil). Les signes sont sans équivoque. "D'abord, il faut retenir l'aspect inhabituel de la crise, signe d'une urgence. L'asthme est une pathologie chronique, donc à partir du moment où le malade appelle à l'aide, cela doit alerter. Les signes sont facilement identifiables : l'asthmatique éprouve une grande difficulté à respirer, sa respiration est rapide et courte et il a du mal à parler. L'autre signe qui doit alerter, poursuit-il, c'est "la résistance au traitement". Concrètement, si l'état ne s'améliore pas malgré plusieurs prises de bronchodilatateur, alors il faut agir vite. "Les traitements d'urgence, on les connait et on sait qu'ils sont efficaces, alors il ne faut pas attendre. 40% des asthmatiques qui passent aux urgences ne reçoivent pas de corticoïdes alors que cela devrait être le cas pour tous. La plupart du temps, soit la sévérité de l'asthme n'est pas reconnue, soit on a peur d'administrer des corticoïdes en cas de pathologies infectieuses associées. Or, ce n'est pas grave de sur-traiter un asthme qui n'est pas sévère, mais c'est gravissime de le sous-traiter !". Le Dr Patrick Plaisance, Chef du Service Accueil et Traitement des Urgences à l'Hôpital Lariboisière (Paris) ne mâche pas ses mots. "Il y a quelques mois, j'ai vu une femme enceinte asthmatique décéder d'un arrêt cardiaque. Alors, il n'y a pas à hésiter. Quand ça commence à ne pas aller, malgré les bouffées de Ventoline, il faut faire le 15 directement."
Que faire cas de crise d'asthme ?
- Prendre immédiatement 2 bouffées du bronchodilatateur.
- S'asseoir droit, rester calme, respirer lentement et régulièrement.
- En l'absence d'amélioration, prendre encore 2 bouffées du bronchodilatateur.
- Si la crise persiste, prendre jusqu'à 10 bouffées toutes les 20 minutes (3 fois en 1 heure) pour l'adulte et l'adolescent, jusqu'à 5 bouffées toutes les 20 minutes (3 fois en 1 heure) pour l'enfant de moins de 6 ans.
- En l'absence d'amélioration dans l'heure, prendre le corticoïde prescrit par le médecin, appeler le 15 et continuer à prendre ses bronchodilatateurs.
Retenez qu'il est toujours plus prudent de contacter les Urgences (15), que de laisser les choses s'aggraver. "Il ne faut jamais tenter de venir à l'hôpital par ses propres moyens en cas de crise d'asthme sévère ou inhabituelle, ni se faire accompagner en voiture par son entourage, insiste Nicolas Roche. En effet, une aggravation brutale en cours de route risque de se produire, et mettre en jeu le pronostic vital."
Mieux prendre en charge les patients après la crise
Mais surtout, complète le Pr Roche, il faut éviter de revenir aux urgences et c'est malheureusement ce qui se passe trop souvent, faute de prise en charge et de suivi adapté après l'hospitalisation. "39% des asthmatiques qui sortent des urgences refont une crise dans le mois qui suit, c'est énorme !", observe Patrick Plaisance. La raison ? "Une fois la crise prise en charge, les patients sont lâchés dans la nature, sans suivi médical ou consultation programmée avec un pneumologue. Ils pensent que ça va aller et minimisent les risques". Selon le Pr Roche, "il faut insérer les patients dans des parcours de soins, et améliorer la coordination entre soignants. Très souvent, un patient passe aux urgences, sans que son généraliste n'en soit informé et à l'inverse, l'urgentiste qui voit un patient n'a pas accès aux comptes rendus des médecins spécialistes. Il faut aussi renforcer les liens entre services d'urgences et pneumologues pour améliorer le suivi."
Seulement 10 à 15% des asthmatiques ont un pneumologue référent. |
Même si elles sont encore trop peu fréquentes, des expérimentations ont pourtant lieu ici et là en France. Ainsi, à l'hôpital Mondor de Créteil, une consultation post-crise d'asthme a été mise en place dans le but de prévenir les récidives à l'issue des hospitalisations en urgences. "Pendant longtemps, on a mis l'accent sur la crise d'asthme. Mais l'asthme est une maladie chronique. C'est pourquoi traiter la crise c'est bien, mais l'éviter c'est mieux ! Pour cela, il faut revoir les patients rapidement et mettre en place des réévaluations systématiques en post-crise", complète le Dr Mangiapan. A Mondor, les patients bénéficient d'un arrêt de travail et reviennent consulter dans les sept jours qui suivent afin de réévaluer leurs traitements. Au CHU de Tours, un programme d'éducation thérapeutique piloté par des infirmières spécialisées a été lancé afin d'améliorer l'observance des traitements et la gestion des crises d'asthme. Concrètement, les asthmatiques qui sortent des urgences à la suite d'une crise bénéficient d'un programme de plusieurs séances d'éducation thérapeutique pour acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie d'asthmatique. Ils apprennent à reconnaître les signes de gravité d'une crise et à la gérer en attendant les secours sans attendre de se retrouver dans une situation extrême, parce qu'ils auront laissé trainer les choses. L'enjeu est de devenir autonome et de se responsabiliser. En somme de ne pas rester passif, mais bien acteur de sa maladie.
Plus d'infos :
- Programme Sophia par l'Assurance Maladie propose des conseils personnalisés pour améliorer la qualité de vie des asthmatiques et réduire les risques.
- L'association Asthme et Allergies propose des documents à télécharger et des conseils pratiques.
- Nouveau : l'application mobile Asthme Agir donne accès aux services d'urgence par géolocalisation et propose les 5 conseils à suivre en cas de crise d'asthme. Disponible gratuitement sur Google Play et App Store.
- Forminhal, un outil pour l'éducation thérapeutique, mis en place par le CHU de Bordeaux. Il propose des vidéos de démonstration à l'usage des patients.
*Propos recueillis lors de la conférence de presse "Asthme... Urgences", mai 2018.