Dépressions à répétition : des effets sur les capacités cognitives
Lenteurs, manque d'attention et de concentration... Enchaîner des épisodes dépressifs contribuerait à altérer certaines fonctions du cerveau selon une étude de l'Inserm.
La dépression, cette maladie qui touche une personne sur dix, est caractérisée par un risque de rechute élevé, même après plusieurs années de rémission. Et c'est bien ce qui inquiète les chercheurs : quelles sont les conséquences de ces rechutes sur le long terme ? S'il est maintenant prouvé qu'il existe un ralentissement psychomoteur chez les personnes déprimées (c'est d'ailleurs un des critères de diagnostic de la maladie), rien n'indiquait jusqu'alors que cette altération pouvait persister après l'épisode dépressif. Pour en savoir plus, des chercheurs de l'Inserm ont donc mené une étude chez plus de 2000 patients ayant connu entre 1 et plus de 5 épisodes dépressifs au cours de leur vie. Afin d'évaluer leurs capacités cognitives, ils ont mesuré leur rapidité à exécuter un test simple qui consiste à relier des cercles numérotés et placés dans le désordre sur une feuille. Le test a été effectué deux fois chez chacun des patients : pendant l'épisode dépressif, puis 6 semaines après, lorsqu'une bonne partie de ces patients était en rémission complète. Résultat : ce temps était considérablement rallongé chez les personnes ayant déjà vécu deux ou trois épisodes dépressifs par rapport à celles qui en avaient vécu un ou deux (1 minute 20 au lieu de 35 s). C'est ce qui expliquerait que les personnes qui font des dépressions à répétition exécutent de manière anormalement lente des tâches cognitives courantes. Les chercheurs évoquent ainsi des effets neurotoxiques.
Plus je déprime, plus je risque de rechuter. Cette étude menée par Philip Gorwood (Unité Inserm 894 "Centre de psychiatrie et neurosciences", Centre Hospitalier Sainte-Anne), conforte les observations quotidiennes des médecins et les conclusions de précédentes études épidémiologiques, à savoir que la dépression est une maladie qui s'aggrave avec le temps. Et pourrait par ailleurs expliquer pourquoi le risque de rechute est lié au nombre d'épisodes dépressifs. De fait : si la rapidité et l'efficacité sont de plus en plus altérées au fur et à mesure des rechutes, on conçoit qu'il soit plus difficile de s'adapter à de nouvelles situations, professionnelles notamment. En effet, lorsque les capacités intellectuelles sont diminuées, cela joue sur l'estime de soi, ce qui peut rendre plus vulnérable aux rechutes dépressives, notamment en cas de stress.
Prévenir les rechutes : une priorité. Les chercheurs estiment donc qu'après le traitement, la prévention des rechutes doit être une des priorités de la prise en charge. Ils plaident aussi pour l'utilisation de la "remédiation cognitive", une thérapie déjà très utilisée dans la schizophrénie ou les addictions mais peu employée pour remédier aux troubles de la dépression.
La dépression n'est pas un banal coup de cafard. Elle se caractérise par une tristesse permanente, une perte d'envie et de plaisir, une altération de l'appétit, du sommeil et de la libido. Si les différentes prises en charge, médicamenteuses comme psychothérapeutiques, ont démontré leur efficacité, le risque de rechute reste élevé, même plusieurs années après la rémission.
Lire aussi