"Chacun réagit différemment suite à un traumatisme"
Dans "David et Mme Hansen", au cinéma le 29 août, Isabelle Adjani incarne une patiente en détresse, amnésique et insolente. Le Dr Aurore Sabouraud-Séguin, psychiatre et directrice du Centre de psychotrauma de l'Institut de victimologie (Paris), nous explique comment notre esprit réagit à un traumatisme psychologique.
Quel effet un traumatisme psychologique a-t-il sur nous ?
Il faut d'abord savoir ce que l'on entend par "traumatisme". En tant que psychiatre, je le définis comme un événement qui nous confronte à la mort. Cela peut être la perte d'un proche, une agression, un attentat, une guerre...
Nous nous basons tous inconsciemment sur des croyances, notamment celle que l'on est éternel. Lors d'un traumatisme, ces croyances s'inversent radicalement et on réalise que l'on peut mourir à chaque instant.
Comment réagit-on ?
Le traumatisme psychologique entraîne chez chacun d'entre nous des réactions neurobiologiques, qui reposent sur la recherche de la survie. Durant un événement traumatisant, nous cherchons tous à nous protéger. L'idée qui domine notre esprit et nos actions est : "Je vais mourir, je me protège, je fuis...". Des symptômes de dissociation peuvent aussi apparaître durant l'incident. Ils se caractérisent par l'absence d'émotions et le sentiment de vivre la scène en dehors de son corps, en tant que spectateur.
Durant les heures et les jours suivant l'événement, l'idée dominante est plutôt : "La vie est dangereuse, je dois m'adapter." Les difficultés à gérer le souvenir encombrant peuvent varier d'une personne à l'autre. Dans 10 à 60 % des cas selon le type traumatisme, la victime souffre d'un syndrome post-traumatique. Elle ressasse l'idée "j'ai failli mourir" en permanence.
Les victimes peuvent aussi assez couramment présenter un comportement d'évitement en lien avec le traumatisme vécu. Ainsi, une personne qui a eu un accident de voiture évitera de reprendre le volant, une victime d'agression évitera de retourner sur les lieux...
Réagit-on tous de la même façon suite à un traumatisme psychologique ?
Non, car chaque victime "digère" l'événement en fonction de sa propre histoire. Certaines seront confortées dans un schéma négatif, une mauvaise image d'elles-mêmes qu'elles avaient auparavant. On voit des victimes de racket à l'école avoir beaucoup de mal à s'en remettre alors que certains jeunes vivant dans un pays en guerre ne vont pas être particulièrement traumatisés.
Les symptômes du stress post traumatique apparaissent-ils toujours juste après l'événement ?
C'est très variable. Un enfant victime de traumatisme peut sur le moment ne pas comprendre ce qui lui arrive et ne pas s'en souvenir car il aura mis cet épisode de côté. Chez l'adulte, l'événement peut aussi être effacé de la mémoire, on appelle cela "l'amnésie psychogène". D'une façon générale, on met souvent de côté ce dont on n'a pas besoin immédiatement pour avancer dans la vie. Le traumatisme peut ressurgir plusieurs années plus tard, à l'occasion d'un autre événement qui va rappeler le premier traumatisme à la victime. Le réveil se fait souvent progressivement, ce qui peut être très angoissant.
J'ai par exemple reçu une personne qui a assisté à un suicide et qui s'est mise à voir des scènes violentes, qui n'étaient pas celles du suicide. Elle a, peu à peu, pris conscience qu'elle avait vécu l'attentat de la rue des Rosiers à Paris une quinzaine d'années plus tôt.
L'amnésie complète est-elle courante suite à un choc psychologique ?
Les amnésies brutales et totales à la suite de traumatismes psychologiques sont très rares. Elles sont plutôt dues à un choc physique associé, un traumatisme crânien, un coma...
Peut-on se remettre seul d'un choc psychologique ?
Si les troubles ne disparaissent pas d'eux-mêmes six mois après l'événement, si vous ne pouvez pas conduire à nouveau après un accident de la route par exemple, les psychiatres estiment généralement qu'ils ne disparaîtront jamais. Il faut donc consulter.
Qu'est-ce qui peut le rendre plus difficile à surmonter ?
Le sentiment de culpabilité, qui peut être associé à l'accident, complique par exemple beaucoup les choses car il est un facteur aggravant de celui-ci. Mais la culpabilité peut aussi être un moteur essentiel pour s'en remettre. L'idée à suivre étant : "C'était ma faute, donc je vais faire attention que cela ne se reproduise plus."
Aurore Sabouraud-Séguin est l'auteur de Revivre après un choc, Ed. O. Jacob, 2006.