Mort de Vincent Lambert : l'histoire, la bataille judiciaire, l'arrêt des traitements

En état végétatif depuis 11 ans et après un arrêt des traitements décidé le 2 juillet par la justice, Vincent Lambert est décédé jeudi 11 juillet au CHU de Reims. Il a été inhumé samedi 13 juillet, entouré de sa famille.

Mort de Vincent Lambert : l'histoire, la bataille judiciaire, l'arrêt des traitements
© 123RF- Yuriy Klochan

Vincent Lambert est décédé jeudi 11 juillet à 8h24 au CHU de Reims. Il a été inhumé samedi 13 juillet entouré de ses proches. Âgé de 42 ans, cet infirmier était tétraplégique depuis un accident de la route survenu en 2008. Ses traitements avaient été arrêtés mardi 2 juillet sur décision de justice, après 11 années de bataille judiciaire entre ses parents, Pierre et Viviane Lambert, fermement opposés à l'arrêt des traitements, et sa femme Rachel, soutenue par les six frères et sœurs de ce dernier ainsi que son neveu qui réclamaient de laisser partir Vincent Lambert. Ce dernier a exprimé "son soulagement après des années de souffrance pour tout le monde".

L'arrêt des traitements de Vincent Lambert a fait suite à la décision de la Cour de cassation, tombée le vendredi 28 juin. Maintenu en vie depuis des années par la volonté de ses parents, Vincent Lambert devait s'éteindre initialement la semaine du 20 mai 2019. L'équipe médicale dirigée par le Dr Sanchez avait commencé le protocole mais le 20 mai au soir la cour d'appel de Paris avait ordonné leur reprise. Les parents de Vincent Lambert, avaient alors décidé d'assigner en justice l'établissement hospitalier et le docteur Vincent Sanchez pour "non-assistance à personne en péril". Les ministères de la Santé et des Affaires étrangères avaient décidé de se pourvoir en cassation contre la décision de la cour d'appel de Paris. La Cour de cassation leur a donné raison.  

Les dates clés de l'histoire de Vincent Lambert

  • Septembre 2008 : Vincent Lambert, infirmier, est victime d'un accident de la route, il est hospitalisé à Reims et est placé dans un état végétatif, sans espoir d'amélioration, selon les médecins.
  • Avril 2013 : le CHU de Reims met en place un protocole de fin de vie avec sa femme, Rachel Lambert. Celle-ci indique que l'homme avait "clairement" indiqué avant son accident qu'il ne voulait pas d'acharnement thérapeutique, mais n'a jamais écrit ses volontés. Il est décidé d'arrêter de l'alimenter et de l'hydrater artificiellement. Ses parents refusent cette décision et saisissent le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
  • Mai 2013 : le tribunal ordonne le rétablissement de l'alimentation du patient.
  • L'équipe médicale du CHU de Reims, ainsi que l'épouse de Vincent Lambert et son neveu redemandent l'arrêt des soins. Ils saisissent le Conseil d'Etat pour faire annuler le jugement du tribunal administratif.
  • Février 2014, le Conseil d'Etat ordonne une nouvelle expertise médicale. Trois médecins experts en neurosciences sont désignés par l'Ordre des médecins, l'Académie de médecine et le Comité d'éthique pour se prononcer sur le cas de Vincent Lambert. Ils doivent donner leur avis sur le "caractère irréversible" des lésions dont souffre Vincent Lambert. 
  • Mai 2014, le Conseil conclut qu'une poursuite des traitements relèverait de "l'obstination déraisonnable". "Les fluctuations de l'état de conscience" de Vincent Lambert "ne sont plus observées", ce qui suggère "une dégradation de son état de conscience". Pour eux, il faut arrêter les soins.
  • Les parents de Vincent Lambert saisissent alors la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
  • 5 juin 2015 : la Cour Européenne des Droits de l'Homme valide l'arrêt des soins, estimant que la France ne viole pas "le droit à la vie du tétraplégique" en mettant en place un arrêt des soins. La décision devait être définitive et faire jurisprudence en matière de fin de vie, pour les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe. 
  • 23 juillet 2015  : alors que le CHU s'apprête à mettre en place une procédure d'arrêt des soins, le Dr Daniela Simon, médecin cheffe du service, fait marche arrière. Elle estime que les conditions de sécurité ne sont pas réunies et indique saisir le procureur de la République pour que soit désigné un représentant légal du patient, après avoir eu vent de projets d'enlèvement, selon des membres de la famille. 
  • Octobre 2015 : le tribunal administratif rejette la demande d'arrêt des soins estimant que les médecins sont en droit, "en vertu de leur indépendance professionnelle et morale", de poursuivre les traitements malgré les décisions de justice précédentes.
  • Mars 2016 :  le juge des tutelles nomme Rachel Lambert comme tutrice. Une décision contestée par les parents de Vincent Lambert. 
  • Juin 2016 : la Cour administrative d'appel de Nancy demande la reprise de consultations d'experts pour l'arrêt des soins. Les parents du patient font un nouveau recours auprès du Conseil d'Etat.
  • Janvier 2017 : Les parents de Vincent Lambert portent plainte contre le CHU de Reims pour "délaissement de personne hors d'état de se protéger" et demandent le transfert de leur fils dans un autre établissement. Ils sont déboutés.
  • Septembre 2017 : le CHU de Reims annonce une nouvelle procédure pour arrêter les soins. Les parents de Vincent Lambert se prononcent contre cette décision auprès du Conseil d'état. Leur demande est rejetée en janvier 2018.
  • Avril 2018 : le CHU de Reims se prononce de nouveau pour "l'arrêt des traitements" mais le tribunal administratif, saisi par les parents, demande une nouvelle expertise. 
  • Novembre 2018 : "L'état végétatif chronique" de Vincent Lambert est confirmé comme étant "irréversible".
  • 24 avril 2019 : le médecin de Vincent Lambert prévient ses parents par courrier de l'arrêt des traitements durant la semaine du 20 mai.  Le Conseil d'État avait confirmé qu'étaient "réunies les différentes conditions pour que la décision d'arrêter la nutrition et l'hydratation artificielles puisse être mise en oeuvre".
  • 13 mai 2019 : les parents de Vincent Lambert demandent la suspension de l'interruption des traitements invocant "l'atteinte grave et manifestement illégale portée au droit au respect de la vie et au droit au recours effectif, qui constituent des libertés fondamentales". 
  • 15 mai 2019 : le tribunal administratif de Paris rejette leur demande.
  • 19 mai 2019 : un des avocats des parents, Jérôme Triomphe, annonce le dépôt de trois nouveaux recours à partir du lundi 20 mai. Ses parents Viviane et Pierre Lambert, opposés depuis le début à ce qu'ils estiment être une "euthanasie déguisée" ont manifesté devant l'hôpital où se trouve leur fils. "Vincent Lambert n'est pas en fin de vie, nourrissez Vincent Lambert", "La vie pour Vincent !" ont proclamé une centaine de manifestants venus les soutenir. 
  • 20 mai 2019 au matin : les avocats des parents de Vincent Lambert annoncent le début de l'arrêt des traitements. La Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) avait réagi en rappelant que "l'état de santé dans lequel se trouve Vincent Lambert est une situation de prolongation artificielle de la vie, résultant de l'action médicale" et avait tenu à rassurer sur le fait "qu'un arrêt des traitements de maintien en vie ne signifie nullement un arrêt des soins. Les équipes médicales n'abandonnent jamais leurs patients. Un arrêt des traitements de maintien en vie est suivi d'une intensification des soins  avec une attention particulière portée au confort du patient".
  • 20 mai 2019 au soir : la cour d'appel de Paris "ordonne à l'État français (...) de prendre toutes mesures aux fins de faire respecter les mesures provisoires demandées par le Comité international des droits des personnes handicapées le 3 mai 2019 tendant au maintien de l'alimentation et l'hydratation".
  • 21 mai : reprise de l'alimentation et de l'hydratation de Vincent Lambert et interruption de la sédation. Ses parents demandent son transfert dans un autre établissement hospitalier et assignent en justice le CHU de Reims et le docteur Vincent Sanchez. Au début du mois de mai 2019, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, déclare sur BFM TV que"juridiquement parlant, tous les recours sont arrivés au bout". "Toutes les instances juridictionnelles, qu'elles soient nationales ou européennes, confirment le fait que l'équipe médicale en charge de ce dossier est en droit d'arrêter les soins de Vincent Lambert."
  • Vendredi 31 mai : l'Etat français via deux ministères, celui des Solidarités et de la Santé, et des Affaires étrangères, forme un pourvoi en cassation contre la décision de la cour d'appel de Paris. 
  • 4 juin : Audience relative à l'assignation en justice des parents de Vincent Lambert contre le Dr Vincent Sanchez et le CHU de Reims. Le tribunal correctionnel de Reims fixe au 26 novembre 2019 l'examen de ce recours.
  • 24 juin 2019 : la cour de Cassation examine la décision de reprise des traitements prise par la cour d'appel de Paris.
  • 28 juin 2019 : la cour de Cassation se prononce en faveur d'un nouvel arrêt des traitements.
  • 2 juillet 2019 : le Dr Vincent Sanchez lance un nouvel arrêt des traitements. Dans un courriel envoyé à ses proches, il appelle "à la responsabilité de chacun pour que l'accompagnement de Vincent Lambert soit le plus paisible, intime et personnel possible".
  • 3 juillet 2019 : Selon RTL, des vigiles sont placés à l'entrée de l'établissement pour surveiller l'entrée des voitures. L'identité des visiteurs est vérifiée.
  • 5 juillet 2019 : les parents de Vincent Lambert portent plainte contre le médecin de Vincent Lambert et le CHU de Reims pour "tentative de meurtre".
  • 8 juillet 2019 : les parents de Vincent Lambert annoncent arrêter les recours pour le maintien en vie de leur fils dans une lettre rendue publique par leurs avocats : "Nos avocats ont multiplié ces derniers jours encore les recours et mené d'ultimes actions pour faire respecter le recours suspensif devant l'ONU qui bénéficiait à Vincent. En vain."(...) La mort de Vincent Lambert est désormais inéluctable. Si nous ne l'acceptons pas, nous ne pouvons que nous résigner dans la douleur, l'incompréhension, mais aussi dans l'espérance. Leur dernier recours datait du 5 juillet. Ils avaient déposé une plainte contre les médecins et le CHU de Reims. Le parquet de Reims a ouvert une enquête préliminaire pour "tentative d'homicide volontaire".
  • 11 juillet 2019 : Décès de Vincent Lambert au CHU de Reims.
  • 12 et 13 juillet 2019 : le corps de Vincent Lambert est remis à sa femme vendredi 12 juillet, après avoir été autopsié. Il est inhumé samedi 13 juillet à Longwy en Meurthe-et-Moselle.