Pénurie de médecins : un suivi moins bon ? "Organiser l'offre de soins autour de bassins de vie"

patrick romestaing, président de la section démographie médicale du cnom.
Patrick Romestaing, président de la section démographie médicale du Cnom. © Cnom

Le Dr Patrick Romestaing, est président de la section santé publique et démographie médicale du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom). Il fait le point pour nous sur l'offre de soins en France.

Comment définissez-vous un "désert médical" ?

 Généralement, lorsqu'on parle de "déserts médicaux", on pense à un manque de médecins installés sur certaines zones du territoire. Toutefois, il s'agit d'une notion difficile à cerner. Pour la mesurer, certains utilisent le temps de transport, d'autres la distance, mais les routes ne sont pas forcément accessibles, en montagne par exemple. La notion de "bassin de vie", que le Cnom a choisi pour établir ses Atlas de la démographie médicale, est plus pertinente. Lorsqu'on prête attention aux bassins de vie, il existe effectivement une raréfaction de l'offre de soin sur certaines zones rurales, mais également urbaines.

Toutefois, la situation française n'est pas dramatique, au regard de celle d'autres pays européens. 

Comment les déserts médicaux se sont-ils formés ?

"Les inégalités d'accès aux soins vont se creuser dans les prochaines années"

 Sous l'action de plusieurs facteurs. Au fil du temps, les zones rurales perdent des commerces, des services publics, et donc beaucoup de population... Or, pour exercer,  un médecin doit avoir une patientèle suffisante. Le vieillissement de la population, entraînant l'augmentation de la demande de soins, est également en cause.

De nombreux cabinets ferment car les médecins partent en retraite et ne sont pas remplacés, et ce phénomène va s'accentuer dans les prochaines années. Il faut que les Français réalisent que la situation va changer, que l'on n'aura plus un cabinet à sa porte, qu'il faudra davantage se déplacer.

85% des répondants à l'enquête que nous avons menée auprès de nos internautes, disent avoir eu du mal à obtenir un rendez-vous médical en 2011, toutes spécialités confondues. Cette part de la population vous semble-t-elle refléter la situation réelle?

 Ce chiffre n'est pas uniquement du aux déserts médicaux. Des délais d'attente trop longs pour obtenir un rendez-vous sont par exemple souvent évoqués. Ces délais s'expliquent par une demande de soins plus forte en France qu'ailleurs en Europe, du fait de leur prise en charge par l'Assurance maladie. Les professionnels de santé étant moins nombreux, le délai s'allonge naturellement, et cette tendance va se creuser dans les prochaines années.

"Inciter les jeunes à découvrir l'exercice en libéral"

Les difficultés financières liées aux dépassements d'honoraires peuvent aussi être en cause, bien que l'échange soit possible avec le médecin qui peut, au cas par cas, ne pas appliquer ses dépassements.

Comment procéder pour réguler l'installation des généralistes ?

 Indiscutablement, les mesures doivent être incitatives et non coercitives. Il faut inciter les jeunes à découvrir l'exercice en libéral. Il y a une méconnaissance de la pratique en libéral chez les étudiants. Pourtant, notre enquête menée auprès des nouveaux médecins montre que 75 % des nouveaux installés en libéral sont prêt à recommander ce mode d'exercice à un confrère.

De nos jours, les jeunes médecins souhaitent plutôt travailler à plusieurs, sur différents sites en même temps, et bien sûr dans un endroit qui dispose de commerces et de services publics.

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